KWS : comptes rendus de lecture sur la Science-Fiction

James Lovegrove : Royaume-Désuni

(Untied Kingdom, 2003)

roman de Science-Fiction

chronique par Noé Gaillard, 2010

par ailleurs :

Vous allez encore croire que, lorsque je ne sais pas quoi dire sur un livre, je m'attaque à la quatrième de couverture. Faites comme bon vous semble, mais là, je vous assure que lorsque l'acheteur potentiel prend la peine de lire ce qui va suivre, il ne peut que tirer son porte-monnaie de sa poche et s'empresser d'acquérir… Je crains que la lecture du roman ne le laisse sur sa faim.

« Commence alors pour Fen une épopée à travers cette vaste friche qu'est devenue l'Angleterre, un voyage initiatique qui pourrait bien changer le cours de l'Histoire. » (c'est moi qui souligne).

« Après une entrée remarquée sur les tables des libraires avec son roman Days, James Lovegrove nous revient ici avec une anticipation sociale qui s'inscrit dans la grande tradition de 1984, le Meilleur des mondes, un Bonheur insoutenable ou l'Oiseau d'Amérique, de Walter Tevis. »

« Lovegrove a su créer des personnages incroyablement vivants et attachants — ou détestables —, terriblement réels et qui continuent de vous hanter longtemps après la fin du livre. »

On laissera à cette critique “anonyme” de Bifrost sa louange un peu excessive et diablement subjective, voire culpabilisante (?) pour s'étonner de l'incroyable bibliographie de Walter Tevis qui, j'en suis sûr, n'en demandait pas tant. (Oui, je sais, c'est un peu facile mais rien ne m'assure que tous les lecteurs — même amateurs de SF — connaissent les auteurs des trois autres titres ; et ne me dites pas que j'exagère… faites un honnête sondage autour de vous). À part ça, côté “anticipation sociale”, c'est un peu juste et loin d'un J.G. Ballard, auquel on s'inquiète qu'il ne soit pas fait référence. Je vous laisse juge de l'“entrée très remarquée” ; elle vaut ce qu'elle vaut.

Enfin, dernier morceau de bravoure, l'ultime phrase du résumé. Trois expressions soulignées, c'est beaucoup pour une phrase moyenne. Mon Petit Robert donne pour "épopée" : « Suite d'événements historiques de caractère héroïque et sublime, ex. : l'épopée napoléonienne ». Je sais que le sens des mots s'érode, mais tout de même, nous sommes loin du compte. De cette vaste friche, nous ne voyons que les cent kilomètres qui séparent le héros de Londres, et s'il met cinq cents pages à les franchir, c'est parce qu'il se casse une jambe… Quant à changer le cours de l'Histoire, rien dans ce roman ne permet d'imaginer un seul instant un changement historique, l'histoire se déroulant dans un lieu clos (une île) et ne concernant qu'une petite cinq centaines de personnes en gros…

Alors que raconte Royaume-Désuni ? Eh bien, les tribulations, à travers une petite partie d'une Angleterre coupée du reste du monde, d'un instit' rural en quête de sa femme kidnappée par des voyous londoniens organisés en bande. Des rencontres pittoresques mais d'un intérêt relatif : un conducteur de train hindou et une secte d'adorateurs d'un écrivain médiocre. Le roman a été publié en 2003 en Grande-Bretagne, la première fois en 2008 en France, et c'est le genre de romans que l'on a déjà lus dans d'autres versions (un vieil Houssin au Fleuve noir raconte l'affrontement des bandes, et Andrevon nous a bien habitués aux friches terrestres et à leurs curiosités). Pourquoi nous infliger une resucée typiquement anglaise et une traduction moyenne ou jemenfoutiste qui, entre autres, oublie d'expliquer qui sont Blanche Dubois ou Pinter, mais précise que Richard III est de Shakespeare ?

En revanche, on peut saluer l'effort de l'auteur de raconter deux histoires distinctes, chacune ayant droit à une typographie caractéristique. Celle du héros et celle de son épouse, qui s'autoanalyse et réfléchit au sort de leur couple. Mais ce sera bien tout…

Comme vous le voyez, nous sommes fort loin d'une épopée — même nelsonienne — ou/et d'une remarquable anticipation sociale du genre de celles d'Ira Levin.

Noé Gaillard → Keep Watching the Skies!, nº 67, décembre 2010

Commentaires

Ajouter un commentaire

Les commentaires sont publiés après validation par Quarante-Deux.