Il est des auteurs pour lesquels vous cessez toute autre lecture, non ? Pour ce qui me concerne, Christian Léourier est de ceux-là. Et je regrettais de ne plus le voir en librairie. Je suis certain que si vous cherchez un de ses J'ai lu, un de ses "Bibliothèque verte", vous aurez du mal à les trouver ; peut-être reste-t-il des Laffont ?

Le voilà de retour dans la catégorie “jeunesse”, où sa série des Jarvis avait fait merveille. Il revient avec un pavé que l'éditeur a eu la délicatesse de ne pas nous découper en deux épisodes, et d'agrémenter d'annexes passionnantes. Je me permettrai simplement de faire remarquer que devoir tourner le livre pour en voir le dessin de couverture comme il convient est un peu maladroit.

Dans ce roman d'apprentissage, Christian Léourier raconte comment le jeune Gald se retrouve contraint d'accomplir la mission initialement confiée à son frère aîné, Finn, et comment il parvient à faire en sorte que l'ennemi soit vaincu. Gald doit lutter contre les forces qui ont envahi son monde en passant par une brèche pratiquée dans le mur qui sépare les mondes. La terre de Gald subit un peu le même sort que la terre que doit défendre Thomas Convenant, l'Incrédule. Gald parvient à interrompre le dépérissement des sols en jetant dans le puits des âmes celle de la morte de son village qui était l'âme du monde. Mais il doit continuer le combat et trouver le moyen de s'allier les autres rois ou reines de son monde. Bien sûr, il est aidé par des forces magiques, et bien sûr, il sort vainqueur de tout cela. Léourier ne se contente pas de créer un personnage capable de vaincre et voué à la victoire ; il invente un personnage un peu orgueilleux et têtu — aux yeux des autres personnages — et qui doit prendre sur lui pour rester humble.

Il est vrai que si vous ne connaissez pas l'auteur, mon résumé peut ne pas vous inciter à ouvrir ce livre. Alors pourquoi le lire ? Tout simplement parce qu'il est bien écrit. Je ne suis pas doué en musique mais je sais au moins qu'en cet art il existe deux modes, le majeur (Tocata et fugue en ré majeur de J.S. Bach), et le mineur. Je ne sais plus lequel, mais un des deux a tendance à nous émouvoir plus que l'autre. C'est le mode habituel des auteurs, mode qui permet d'emporter le lecteur. Léourier n'écrit pas sur ce mode. Il raconte sans fioritures, sans enjolivements, comme s'il était un témoin. Il ne cherche pas à emporter notre adhésion par le style. Il nous emporte par l'action, par le comportement des personnages et leur questionnement. Ainsi Gald est à la fois insolent et attendrissant, fougueux et réfléchi et donc énervant, et cela donne envie d'aller jusqu'au bout du livre. Je crois que le lecteur ado, quand il lit, aime bien qu'on ne lui mâche pas trop les personnages et qu'on lui donne un peu d'imagination quant au comportement du héros, au moins. Si dans sa quête de lui-même, le héros lui ressemble, il lui est plus facile de prendre sa place.

Testez-le auprès de vos enfants (s'ils ont l'âge).