L.L. Kloetzer : CLEER : une fantaisie corporate
roman par nouvelles, 2010
- par ailleurs :
Il me semble avoir, lors de ma chronique du remarquable roman de Catherine Dufour Outrage et rébellion, signalé l'indigence de la couverture de Daylon. Je récidive à propos de celle de ce CLEER. La collection parvenait à une certaine unité, au moins par le biais des couvertures dessinées, et en voilà une qui tire le livre vers l'anonymat. Du gris, des rayures bleues genre parking, un demi-cercle en fenêtre ouvrant sur un rouge strié de traits courbes façon rosace, pas de quoi tirer l'œil, même à plat sur une table, surtout au milieu des publications de littérature générale du moment — c'est là que je l'ai découvert dans un des magasins de Joseph G. Autre handicap : le titre et le sous-titre. Même la quatrième de couverture ne parvient pas à nous donner une idée claire de ce CLEER : une idée, un concept, une multinationale, une pure lumière‥? Le sous-titre mélange, pour moi, deux mots de français et un terme qui me renvoie à l'anglais ; comme chante mon camarade Bobby Lapointe : « Comprend qui peut, comprend qui veut. »
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Mais passé ce double obstacle, vous pouvez entrer en confiance dans un roman aux trois quarts passionnants. Trois quarts entre Ballard et Ayerdhal. Le Ballard de Crash!, IGH et l'Île de béton et l'Ayerdhal de Transparences. Trois quarts où l'on découvre un univers nouveau et des personnages intéressants. L'héroïne : Charlotte Audiberti est d'une rare densité, genre profiler. Sans doute parce qu'elle nous est présentée de l'intérieur et de l'extérieur. Vihn Tran, le héros, est plus commun ; il représente un autre aspect du genre consultant — killer, joueur de go. L'un et l'autre règlent les problèmes posés à diverses branches de la multinationale qui les emploie. Avec une écriture adaptée au sujet (l'entreprise moderne) et à mon sens proche de celle d'Ayerdhal, les trois quarts de ce roman sont plaisants, denses. Pas un instant on ne peut avoir envie de décrocher. Et puis cela se gâte pour le dernier quart qui s'échoue dans un Fantastique moderne et une fable écologique que les égos des protagonistes perturbent. Ce dernier problème, qui sert aussi de test à Charlotte, est géré de manière moins crédible, moins réaliste que les précédents. Le choix de Charlotte in fine conserve au personnage son côté sympathique mais manque de réalisme. Elle qui est si bien faite pour ce métier, comme elle l'a prouvé, comment peut-elle le quitter ?
J'espère que vous m'avez bien compris. Loin de moi l'idée de vous dégoûter de ce roman. Je suis persuadé que certains trouveront leur compte au dernier quart et apprécieront les trois premiers à leur pleine valeur.
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