KWS : comptes rendus de lecture sur la Science-Fiction

Évelyne Brisou-Pellen : Hugues Capet et les chevaliers noirs (les Messagers du temps – 7)

roman de Fantasy historique pour la jeunesse, 2011

chronique par Éric Vial, 2011

par ailleurs :

J'avoue être toujours tenté de faire la fine bouche devant un livre destiné aux plus jeunes. Mais il faut imputer cela à la sénescence. Reste que l'on pourrait trouver à ce septième volume d'une série un certain nombre de défauts, peut-être imputables, eux, à la production en série. Et aux commodités nées de l'influence des jeux électroniques. Il y a en effet jeu, et règle du jeu, assez simple d'ailleurs, et expliquée d'entrée parce qu'il serait pénible de réitérer l'exposition dans chaque volume. Quatre personnages descendent le temps, trois bons, un méchant ; ils se retrouvent renaissant et grandissant à des époques différentes, toujours identiques à eux-mêmes, mais séparés : les bons doivent se retrouver, en gros à un âge permettant l'identification pour le jeune lecteur, c'est-à-dire un peu plus âgés que lui, et ils doivent empêcher le méchant de prendre le pouvoir. Après quoi, ou même en cas d'échec, game over, et une comète les emporte à l'épisode suivant. Pour compliquer un peu les choses, un seul d'entre eux, un des bons par chance, conserve le souvenir des épisodes antérieurs et sait donc qui ils sont. Pour le reste, les bons sont deux garçons et une fille ; une Celte, un Latin, un Germain ; une guérisseuse qui voit les auras, un artiste bâtisseur et bagarreur, un intellectuel futur savant. Et ils correspondent à l'eau, à la terre et au vent. Le quatrième, un garçon, ne semble pas avoir d'origine définie, et est un manipulateur-né, ambitieux et destructeur. Rien n'explique par quel miracle, dans un monde où les déplacements ne sont pas absolument évidents, ils arrivent à se croiser, mais il faut bien que l'histoire fonctionne…

À partir de là, on est parti pour un passage en revue de l'histoire de France (et annexes romaines, de façon manifeste, dans des volumes antérieurs). Ce qui n'est pas le pire dans l'affaire, bien au contraire. Parce que c'est fait fort proprement. Avec un peu de ripolin sans doute, et le passé décrit est bien plus vivable qu'il ne le fut sans doute (menu détail, dans la réalité, les héros renaissant sans cesse ont au moins une chance sur quatre de mourir avant l'âge d'un an, une autre avant celui de vingt, et ceci jusqu'au xviie siècle compris, ce qui sauf erreur de ma part leur laisse quelque chose comme 31 % de probabilités d'être encore tous vivants à l'âge d'un an, et redoutablement moins encore à l'adolescence. Mais on ne va pas s'encombrer de ces trivialités). Le ripolin indispensable au fonctionnement des histoires n'empêche pas une bonne documentation, avec ici entre autres des mottes médiévales à palissades au moment où elles deviennent les châteaux tels que nous nous les représentons, les débuts de la “paix de Dieu”, les rapports entre le roi et les grands barons… pédagogiquement, ce n'est pas mal du tout ; pour ce qui est de l'histoire, elle existe, les ficelles sont bien en place, les incohérences pratiques ne sont pas plus graves que les étrangetés initiales (si on admet réincarnations et comète, on peut admettre que cette dernière se débrouille pour que la partie soit jouable à chaque fois), et le mélange de répétition (mêmes personnages, même problème) et de variation (changement d'époque) entre bien dans les règles de toute littérature sérielle. Bin, c'est tout de même un peu rudimentaire, mais resterait bien entendu à demander leur avis aux principaux intéressés, appartenant à une tranche d'âge dont je me suis hélas éloigné depuis bon nombre de lurettes. Et le tout, malgré des réticences, méritait en tout état de cause d'être signalé ici.

Éric Vial → Keep Watching the Skies!, nº 69, juin 2011

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