KWS : comptes rendus de lecture sur la Science-Fiction

Pierre Sineux : Kentron, nº 24, 2008

revue pluridisciplinaire du monde antique

chronique par Éric Vial, 2011

par ailleurs :

Ce n'est pas très récent. Mais les publications en lettres et sciences humaines ont une forte inertie, au sens où elles restent d'actualité très longtemps. Avouons aussi qu'elles épuisent rarement leur tirage, ce qu'on ne peut d'ailleurs que regretter. Et que lorsqu'il s'agit de parler de choses datant de plus de deux millénaires, deux ou trois ans de retard ne sont pas grand-chose. Cela peut sembler aussi assez loin de ce qui nous intéresse ici, et de fait, sauf à les démarquer pour écrire un roman de Fantasy, le lecteur de KWS a d'assez médiocres probabilités de lire un article intitulé "les Relations entre les cités béotiennes à l'époque archaïque", et sans doute d'encore plus médiocres en ce qui concerne "la Première apologétique chrétienne : définitions, thèmes et visées". Mais il s'agit là de varia, et même dans ce cadre on retrouverait un auteur favorablement connu de nos services, avec "Mythe et allégorie dans l'œuvre de Lucien", encore qu'il faille avouer que l'Histoire véritable n'étant qu'un des nombreux écrits de cet auteur, on restera sans doute ici sur sa faim de monomaniaque.

Mais l'essentiel du numéro, les pages 11 à 148, sont bel et bien consacrées à ce qui nous intéresse ici, ou à ce qui peut nous y intéresser moyennant un peu de perversité. Il s'agit d'un “dossier thématique” intitulé l'Imaginaire utopique, de ses sources dans le monde grec à la Renaissance. On y trouvera d'abord une présentation associant au pas de charge, mais avec précision, panorama bibliographique, définition, délimitation à partir de genres voisins façon Pays de Cocagne, polémiques traditionnelles. Puis une lecture de Platon, « de l'imaginaire à l'irréalisable ». Ensuite un panoramique problématique classant divers textes entre « utopies politiques et philosophiques ou utopies “sérieuses” », « utopies “exotiques” qui décrivent le monde du bonheur et du merveilleux », et « utopies parodiques ou satiriques : “contre-utopies” et “mondes inverses” ». Avec près de neuf pages de bibliographie, encore que les autres contributions n'en soient pas non plus avares. Suit une « archéologie de l'utopie » allant chercher du côté des « peuples des confins dans les poèmes homériques », de l'eschatologie dans les mêmes, de leur dimension politique (« justice et prospérité ») avec Hésiode en prime. L'Odyssée occupe une assez grande place dans notre imaginaire et dans les recyclages diversement science-fictionnesques pour que tout cela fasse plus qu'attirer l'attention. On continuera par l'étude d'un texte connu seulement par des fragments, l'Inscription sacrée d'Évhémère, bien repéré comme ancêtre du genre, et par celle de descriptions ethnographiques à visée utopique chez Dion Chrysostome, avec une « utopie exotique » et une « utopie sérieuse ». L'ensemble se conclut par un travail sur les « sources antiques et réécritures » dans « l'Utopie de Thomas More à Rabelais ». Voilà pour satisfaire le spécialiste et un peu au-delà, tant on est aux sources du genre. À noter qu'un autre numéro, toujours sur l'utopie, est annoncé, mais la périodicité annuelle invite à la patience.(1)

Éric Vial → Keep Watching the Skies!, nº 69, juin 2011


  1. Il s'agit du numéro 26 de 2010, qui « poursuit l'enquête en abordant des textes concernant Sparte, la comédie ancienne, la littérature chrétienne, et en s'interrogeant sur la langue de l'Autre dans la littérature grecque et dans la réflexion utopique ». — Note de Quarante-Deux.

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