Estelle Nollet : le Bon, la brute, etc.
roman de littérature générale, 2011
- par ailleurs :
Cela se présente comme un livre de littérature générale et pour beaucoup cela en sera un. Mais pour nous, amateurs de littérature particulière, il me semble que ce roman peut et doit accéder à nos bibliothèques. Et cela pour au moins deux raisons. La première est que c'est l'exemple type du roman gratifiant pour le lecteur en ce qu'il ne le prend pas pour un imbécile tout juste bon à lire des phrases du genre : “sujetverbecomplément”.
Bang, le héros masculin, aime beaucoup les westerns — on peut considérer cette indication comme une éventuelle clé du titre — et il est affligé d'un don négatif : il ne peut regarder les gens, il ne peut croiser leur regard sans que cela pose problème et lui attire les pires ennuis. Il a été abandonné alors qu'il avait dix mois et, au début de l'histoire, il en a trente et bien sûr il vit seul et les yeux baissés, rivés au sol en permanence ou presque. Mais il croise Nao avec qui il peut échanger des regards. Le jour de leur rencontre, elle vient d'apprendre qu'elle souffre d'une tumeur cérébrale qui la condamne à brève échéance. Ils partent alors à l'aventure et en voyage (Mexique, Bali) jusqu'à ce qu'elle ne supporte plus son mal et le quitte. Elle lui téléphonera avant de se pendre et il arrivera trop tard. Lui se fera rattraper (en Centrafrique) par l'actualité, l'Histoire de notre monde. Un ex-militaire américain qui l'a repéré un soir, lui trouve de l'importance dans la lutte contre l'Axe du Mal. Mais Bang trouvera la solution pour pouvoir dire « maintenant je suis juste un type » et entamer une vie nouvelle et sans risques.
Raconté ainsi, cela ne dit rien de la qualité du livre, du plaisir à lire, mais si je vous en dévoile plus vous n'aurez peut-être pas envie d'aller y regarder de plus près. C'est un roman qui mériterait un prix de l'humour noir — vous savez, cette politesse des désespérés — car Bang et Nao sont au désespoir et ce qu'ils voient est d'une rare désespérance. Mais pas un instant on ne se prend la tête avec la noirceur du monde et pourtant elle est presque à chaque page. Pourquoi ? Oh ! tout simplement à cause de la façon d'écrire d'Estelle Nollet. Et voici enfin ma deuxième raison pour s'intéresser à ce livre : il me semble qu'on peut lui trouver des accents flaubertiens. Elle dose subtilement un mélange de langages (familier et soutenu) qui fait naître des sourires complices au rythme parfois endiablé des phrases.
Oui ! je sais, Flaubert n'est pas un auteur de SF. Et alors ? Vous voulez absolument de la référence SF. Je vous en donne. Chez les grands anciens : Sternberg, Ruellan, Curval ; chez nos classiques modernes : Douay, Canal ; dans nos modernes : Dufour, Mauméjan (je ne crois pas que les vivants sus-cités me reprochent de les associer à Flaubert).
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