KWS : comptes rendus de lecture sur la Science-Fiction

Jean-Philippe Depotte : les Démons de Paris

roman fantastique, 2010

chronique par Philippe Paygnard, 2012

par ailleurs :

Paris, début du xxe siècle : Joseph Sterbing, jeune séminariste, fait la une des journaux car il possède la capacité quasi miraculeuse de communiquer avec les défunts. Ce pouvoir étrange attire sur lui l'attention des fonctionnaires du ministère des Affaires implexes qui, avec la plus grande discrétion, traquent les individus qui, comme lui, sortent de la norme par d'étranges aptitudes physiques ou mentales.

Avec ce premier roman, Jean-Philippe Depotte nous entraîne dans un monde qui ne semble appartenir ni à l'uchronie ni à la dystopie. En effet, même s'il situe son récit dans une période relativement bien définie de notre histoire, à la veille de la Grande Guerre, il ne donne pas la clé des multiples distorsions qui affectent ce monde. On se retrouve donc dans une France dirigée par cette étrange et autoritaire présidente de la République française, Victoire Desnoyelles, venue d'on ne sait où et qui s'est emparé du pouvoir on ne sait comment, dans un Paris qui craint les attentats à la bombe perpétrés, dit-on, par les criminels réunis dans la Horde d'or du Grand Khan. On se laisse rapidement prendre par l'ambiance feuilletonesque de cette histoire principalement portée par le personnage de Joseph Sterbing qui, malgré sa capacité de parler aux morts, n'a rien d'héroïque et reste très humain du début jusqu'à la fin du roman.

Outre la partie terrestre et presque historique du livre, qui permet de croiser des versions plus ou moins déviantes de Lénine, du tsar Nicolas II, de Raspoutine, de Fulgence Bienvenüe (le père du Métropolitain), du préfet Lépine et de l'occultiste Gérard d'Encausse dit Papus, Jean-Philippe Depotte nous fait également découvrir une autre dimension qui semble être le seuil qui mène les défunts vers l'Enfer et où l'on peut croiser Bélial, Baphomet, Mormo, quelques-uns des Démons de Paris du titre, mais aussi quelques anges qui n'apparaissent pas sous leur meilleur jour.

Quant aux implexes, même s'ils peuvent faire penser aux mutants popularisés par les comic books américains, leurs pouvoirs restent suffisamment mystérieux pour ne pas détonner au cœur de ce récit que Jacques Tardi aurait fort bien pu mettre en images. Outre la possibilité de parler avec les morts qui est ainsi offerte à Joseph, il y a également David dont le visage est aussi malléable que de la pâte à modeler et Raymond qui possède une étrange mémoire rétrograde.

On peut noter enfin que la couverture de cette version poche des Démons de Paris, signée Bastien L., est beaucoup plus parlante que celle réalisée par Daylon pour l'édition grand format Denoël publiée hors collection, mais sous la direction de Gilles Dumay.

Mêlant figures historiques et pure invention, Jean-Philippe Depotte parvient, dès son premier roman, à créer un univers convaincant habité par des personnages intrigants, dans tous les sens du terme. Son écriture efficace happe le lecteur et ne le relâche qu'après un chapitre final qui offre enfin les réponses aux multiples questions posées dans les Démons de Paris.

Philippe Paygnard → Keep Watching the Skies!, nº 70, février 2012

Commentaires

Ajouter un commentaire

Les commentaires sont publiés après validation par Quarante-Deux.