Joe Hill : Cornes
(Horns, 2010)
roman fantastique
- par ailleurs :
Accusé du viol et du meurtre de Merrin Williams, sa petite amie et le seul amour de sa vie, Ignatius “Ig” Perrish a évité le procès qui aurait pu tout aussi bien l'innocenter que le conduire en prison lorsque les preuves recueillies sur le lieu du crime se sont envolées en fumée dans l'incendie du laboratoire chargé de les analyser. Pourtant, il sait bien qu'il est innocent de ce crime horrible, mais il est bien le seul à le croire, car sa famille, comme la majorité de ceux qui se disaient ses amis, lui ont tourné le dos le pensant coupable. Et voici qu'après une soirée de déprime bien trop arrosée, Ignatius se réveille avec une très naturelle gueule de bois et une paire de cornes plutôt surnaturelle. Bizarrement, nul ne semble prêter une réelle attention à cette étrange ramure ; cependant, toutes les personnes qui approchent d'Ignatius ne peuvent s'empêcher de lui confier leurs secrets les plus intimes et leurs envies les plus inavouables, comme si ces cornes avaient le pouvoir de faire tomber toutes leurs inhibitions.
Après une histoire de fantôme mêlant classicisme et modernité (le Costume du mort) et un recueil d'histoires troubles de la plus grande variété (Fantômes), Joe Hill réinvente les récits de possession et de réincarnation démoniaques en transformant son pauvre héros en véhicule d'un Diable qui a pour unique pouvoir celui de révéler les vérités cachées, celles qui sont la honte de l'Humanité. Grâce à ses cornes, Ig apprend ainsi que sa mère qu'il adorait ne l'a jamais aimé et lui préfère depuis toujours Terry, son frère, animateur vedette à la télévision. Il découvre également que Lee Tourneau, celui qu'il prenait pour son meilleur ami, est le violeur et l'assassin de Merrin, et, pire encore, que Terry a été le témoin involontaire de ce crime horrible et qu'il n'a rien dit, même lorsque Ig était injustement accusé. Mais surtout, Ig apprend à ses dépens que ce n'est pas parce que l'on dispose de certains attributs du Diable que l'on est naturellement aussi diabolique que lui, même si l'on peut très facilement le devenir.
Malgré ses cornes et son physique de plus en plus diabolique au fil des pages, Ig Perrish est certainement le personnage le plus franc et le plus honnête du roman de Joe Hill. Il n'est finalement qu'un simple révélateur de la noirceur de l'âme humaine. Face à lui, tout le monde, qu'il soit policier, médecin, curé, bonne sœur, père, mère ou simple petit enfant, révèle ce côté obscur habituellement dissimulé sous cette fine couche de vernis civilisé qui permet de policer les relations humaines. Et même si Ig Perrish est le malheureux héros de Cornes, plusieurs chapitres du roman de Joe Hill sont entièrement consacrés à Lee Tourneau, présenté comme le meilleur ami d'Ig, mais aussi comme son rival amoureux auprès de Merrin et enfin comme le violeur et l'assassin de cette dernière. Ces quelques pages sont d'autant plus effrayantes qu'elles placent le lecteur en situation d'empathie potentielle avec cet être capable du pire, dévoilant sa vision totalement déformée de la réalité à travers des pensées totalement perverties par une mythomanie chronique et une folie naissante.
Plus qu'un roman fantastique, Joe Hill livre ici, un peu à la manière d'un épisode de la série télé la Quatrième dimension, mais avec cette dose de réflexion supplémentaire que permet le format livresque, une fable dont la morale se révèle des plus terrifiantes. Sa narration, très cinématographique, a d'ores et déjà attiré l'attention de Hollywood et le nom du Français Alexandra Aja (Haute tension, Piranha 3D) a été cité comme réalisateur potentiel.
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