KWS : comptes rendus de lecture sur la Science-Fiction

J.R.R. Tolkien : Bilbo le Hobbit

(the Hobbit, 1937)

roman de Fantasy pour la jeunesse

chronique par Philippe Paygnard, 2014

par ailleurs :

Bilbo Baggins est un Hobbit. Comme tous les Hobbits, il apprécie la vie calme qu'il mène dans les vertes collines de la Comté. Mais Gandalf le magicien a décidé de mettre un terme à ce quotidien paisible en l'enrôlant dans la compagnie de Thorïn Oakenshield, fils du roi des Nains Thráin et légitime héritier du Royaume sous la Montagne. Celui-ci a réuni douze compagnons afin de reconquérir sa cité envahie par Smaug le dragon et de reprendre possession du trésor que ce serpent a volé au peuple des Nains.

C'est bien évidemment la sortie en salles, le 12 décembre 2012 (puis en DVD et Blu-ray le 17 avril 2013, et en version longue director's cut Blu-ray 3D le 5 novembre 2013), du premier volet de la version cinématographique du Hobbit qui permet de retrouver, en librairie, le célèbre conte pour enfants de l'auteur du Seigneur des anneaux. Pour l'occasion, l'ouvrage se pare d'une couverture aux couleurs du long-métrage de Peter Jackson. Il n'est peut-être pas inutile de rappeler que lors de sa parution originale, en 1937, the Hobbit avait été écrit par J.R.R. Tolkien pour un jeune lectorat, de l'âge de son fils Christopher à l'époque, soit une douzaine d'années. La récente et encore partielle adaptation de cette œuvre réalisée par Peter Jackson est quant à elle très commercialement orientée tout public et plus particulièrement destinée aux millions de spectateurs ayant vu et plébiscité la trilogie du Seigneur des anneaux mise en scène par le réalisateur néo-zélandais.

Ainsi, le lecteur qui aborde le court roman de Tolkien en ayant toujours en tête les images de la version filmée de Jackson risque d'être fort déçu par la totale absence de Frodon dans le livre. Il sera également surpris par la description des Nains faite par Tolkien, puisque ces derniers portent des capuchons de couleur, un peu à la manière des Nains du célèbre Blanche neige de Walt Disney. Au surplus, ils ont tous un instrument de musique de prédilection et ont une apparence bien moins guerrière que les treize Nains du long-métrage de Peter Jackson. Notre lecteur sera cependant satisfait d'en apprendre un peu plus sur Glóin, père du membre de la Communauté de l'Anneau que sera Gimli, ainsi que sur Balin dont la tombe est découverte au cœur de la Moria dans le premier film de la trilogie du Seigneur des anneaux de Jackson. Tout comme il pourra apprécier une visite de la Combe Fendue (le Fondcombe de la trilogie du Seigneur des anneaux de Jackson), havre de paix elfique placé sous la haute autorité d'Elrond. La lecture lui permettra enfin d'explorer en avant-première la seconde moitié de l'aventure de Bilbo dont l'adaptation cinématographique est divisée en deux nouveaux longs-métrages qui ne sortiront qu'en décembre 2013 et décembre 2014.

Ce même lecteur se demandera alors d'où viennent certains personnages absents du livre et qui occupent pourtant l'écran de longues (qui a dit d'interminables ?) minutes. Il reconnaîtra sans peine Saroumane et Galadriel, icônes de blanc vêtues échappées du Seigneur des anneaux, mais il pourra être surpris par le rôle accordé à Radagast et à son traîneau tiré par des lapins géants, alors que le nom du magicien est à peine cité dans le court roman de Tolkien. Il sera bien évidemment ravi de retrouver un Gollum en pleine forme et de savoir enfin comment Bilbo s'est emparé de l'anneau de Sauron. Cependant, au fur et à mesure de la découverte des innombrables différences entre le livre et le film, notre bon lecteur finira pas comprendre que le Hobbit : un voyage inattendu n'est que la vision du monde de la Terre du Milieu qu'a Peter Jackson. Ce dernier n'hésitant pas à piocher à sa convenance dans l'œuvre gigantesque du romancier anglais pour rendre son récit plus cinématographique et plus épique. Une interprétation qui ne correspond pas forcément à celle de John Ronald Reuel Tolkien (1892-1973) ou bien à celle de son fils et exécuteur testamentaire Christopher Tolkien.

Ces divergences entre la source d'inspiration et l'adaptation ne doivent cependant pas influencer la vision critique, en bien ou en mal, de la trilogie à venir de Peter Jackson. Il est naturel qu'un film se détache, peu ou prou, du roman qu'il se doit de traduire (et parfois de trahir) en images. En effet, les impératifs de ces deux médias ne sont pas les mêmes, qu'il s'agisse de problèmes de budget ou bien de rythme. Mais il est certain que si les longs-métrages de Jackson incitent quelques-uns de ses milliers de spectateurs fidèles à partir à la découverte de l'œuvre originale de Tolkien, en commençant par Bilbo le Hobbit, ce ne peut être que bénéfique. Et si, au surplus, en lisant les mots du romancier – traduits ici par Francis Ledoux (qui officia également sur la première traduction française du Seigneur des anneaux) –, ces nouveaux lecteurs parviennent, grâce à leur imagination, à créer leur propre version de cet univers extraordinaire qu'est la Terre du Milieu, tout le monde sortira gagnant de ce voyage inattendu.

Philippe Paygnard → Keep Watching the Skies!, nº 73, février 2014

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