David Steel : Émile Souvestre, un Breton des lettres (1806-1854)
essai, 2013
- par ailleurs :
Finistérien, républicain en un temps où la France ne l'était pas, proto-ethnographe et « premier chroniqueur d'une Bretagne inconnue en voie de disparition »
(où l'on trouve logiquement un peu de fantastique), grand producteur d'articles, de poèmes, d'essais, de critiques, de pièces de théâtre et de romans, se voulant « ouvrier en livres »
et solidaire du prolétariat qui venait d'apparaître, ami de Michelet, de Quinet, de Béranger : voilà Souvestre (pas celui de Fantômas). Tout cela est bel et bon, mais nous éloigne de ce qui nous intéresse ici. Sauf qu'en quatrième de couverture, il est question de Science-Fiction, sans guillemets ni procédés de dénégation, pour dire que cet auteur en fut un pionnier, comme il le fut du roman populaire. Et de fait, au sein d'une production foisonnante, on trouve le Monde tel qu'il sera publié en 1846, anti-utopie (même si l'humour éloigne du Meilleur des mondes et de 1984, convoqués comme points de comparaison) prédisant entre autres le basculement de l'axe du monde vers le pacifique, l'obsolescence programmée, l'utilitarisme à tous crins, la mécanisation, et « tout le musée hétéroclite d'un Jules Verne avant la lettre »
avec sous-marins à vapeur, chemins de fer souterrains (rappel, on est en 1846), ou canons géants lançant des projectiles à passagers. Si l'auteur de l'étude (qui par ailleurs cite l'Encyclopédie de l'Utopie, des Voyages extraordinaires et de la Science Fiction de Pierre Versins) pointe des défauts, il juge que ce sont ceux habituels de Souvestre, longueurs et sentimentalisme, « insertions didactico-moralisantes »
, etc. Il replace le volume dans une évolution où l'humanisme et l'inquiétude sont venus tempérer un saint-simonisme « absolutiste »
antérieur, mais montre aussi une radicale originalité dans une production thématiquement toute différente (encore qu'elle soit elle aussi souvent marquée par un pessimisme souriant).
Il faut bien avouer que ce qui nous intéresse directement ici tient en deux pages. Mais on n'a pas si souvent l'occasion de tomber sur une biographie d'un pionnier de la proto-Science-Fiction, ni de signaler une référence positive au genre, en quatrième de couverture, dans une maison éminemment universitaire à Rennes, même si c'est dans une collection d'Histoire et non de Littérature, si l'auteur est britannique et non français, et si d'un autre côté quelques universitaires littéraires d'ici se démènent dans le même sens.
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