Joe Hill : NOSFERA2
(NOS4A2, 2013)
roman fantastique
- par ailleurs :
Une banale bicyclette Raleigh Tuff Burner permet à celle que l'on surnomme la Gamine de voyager bien loin de chez elle et de retrouver des objets perdus. La Rolls-Royce Wraith de Charles Talent Manx offre également à ce dernier une capacité très spéciale, mais beaucoup moins sympathique.
Après deux romans, le Costume du mort et Cornes où Joe Hill visitait des régions du Fantastique peu explorées par son célébrissime père, Stephen King, voici qu'il ose aborder les territoires de prédilection de celui-ci. Dans NOSFERA2, il invoque ainsi deux archétypes de l'œuvre paternelle : un/une enfant doué et un monstre à visage humain.
Tout comme Carrie White, Danny Torrance ou les membres du Club des Paumés, Vic McQueen, la Gamine de NOSFERA2, possède un pouvoir hors du commun. Sa bicyclette et un pont en ruines peuvent l'emporter n'importe où à travers les États-Unis et peut-être plus loin encore. Face à elle, Joe Hill donne corps au Mal incarné par cet ignoble et terrifiant vieillard qu'est Charlie Manx, dont l'aura démoniaque rivalise sans peine avec Randall Flagg, Rose Claque ou Grippesou.
Totalement désinhibé en la matière, Joe Hill se permet quelques clins d'œil à l'œuvre paternelle. Il reconstitue ainsi, à travers Vic, son fils Wayne et le Saint Bernard Hooper, le trio de Cujo, et donne à la Rolls-Royce Wraith de Manx un peu de l'intelligence morbide de Christine.
On pourrait d'ailleurs jouer pendant longtemps au jeu des ressemblances tant père et fils semblent partager un même ADN de l'horreur. Ils l'ont prouvé avec talent en cosignant les novellas Plein gaz et In the tall grass (inédite en France). Mais ce serait oublier que Joe Hill a déjà fait la preuve de toute son imagination et de tout son art de la narration avec ses nouvelles (réunies dans Fantômes : histoires troubles) et ses deux premiers romans.
Dans NOSFERA2, le romancier joue avec quelques peurs primaires et certaines angoisses partagées par le plus grand nombre. Quel parent n'a pas, au plus profond de lui, la crainte de voir la chair de sa chair enlevée par un pervers sans visage ? Quel dormeur n'a jamais vu un rêve merveilleux se transformer en son pire cauchemar ? Cela lui permet de donner corps au Christmasland de Charlie Manx, ce havre de paix pour les enfants perdus qui est, en vérité, un lieu maudit des hommes et des dieux.
Joe Hill s'amuse également avec la mise en page de son roman, terminant fréquemment la dernière phrase d'un chapitre par le titre du chapitre suivant, permettant ainsi à l'action de ne pas s'interrompre. Il invite aussi Gabriel Rodriguez, son complice de Locke & Key (comic book à succès publiée par IDW Publishing aux États-Unis et Milady Graphics en France), à ponctuer son récit de quelques petits dessins expressifs. D'ailleurs, parallèlement à ce livre, Joe Hill développe, chez son éditeur BD fétiche, IDW, une mini-série en bandes dessinées consacrée à la genèse de Charles Talent Manx, intitulée the Wraith: welcome to Christmasland, mise en images par Charles Paul Wilson III.
On peut remarquer au passage que le rythme rapide de NOSFERA2, qui brosse en quelques dizaines de pages la jeunesse de Vic McQueen, ralentit régulièrement plus il approche de l'affrontement final. Joe Hill prend alors le temps de la description, de l'alternance des points de vue, pour impliquer ses lecteurs au plus profond de cette histoire aussi incroyable qu'angoissante.
Au fil des parutions, Joe Hill apparaît désormais comme une nouvelle voix du Fantastique anglo-saxon et définitivement comme un auteur à suivre.
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