Greg Egan : Zendegi
(Zendegi, 2010)
roman de Science-Fiction
- par ailleurs :
Situé dans un Iran du futur proche, ce roman d'Egan reflète une préoccupation habituelle de l'auteur : la reproduction de la conscience humaine par des moyens artificiels. Mais je vous dois un peu plus de détails.
Une première partie du roman (environ un tiers) se déroule dans un futur tellement proche qu'il est déjà passé : 2012, année d'une révolution qui renverse le régime des mollahs (Egan précise dans sa brève postface qu'il a fini d'écrire son livre en 2009, peu après la réélection très contestée d'Ahmadinejad). Peu importe l'uchronie involontaire ; un point plus intéressant est que l'Iran y est éclairé à la fois du dedans et du dehors, au travers des yeux d'un étranger vivant en Iran — Martin, correspondant d'un journal australien — et d'une Iranienne en exil aux États-Unis, Nasim, qui prépare une thèse dans le cadre du Human Connectome Project, une tentative de cartographier les réseaux du cerveau humain. Les événements sentimentaux (pour Martin) et politiques (pour Nasim) les conduiront à rester (respectivement, à retourner) en Iran.
Et la deuxième partie s'ouvre quinze ans après. Nasim s'est trouvé une seconde carrière comme informaticienne chez Zendegi, une compagnie qui fabrique des jeux de réalité virtuelle (on les pratique en immersion totale, enfermé dans des bulles qui bougent pour fournir l'illusion des mouvements que doit effectuer le joueur). Et Martin, atteint d'un cancer, a un fils qui joue à Zendegi. Martin rencontre Nasim, qui conçoit pour le jeu des intelligences artificielles de plus en plus élaborées, et se rend compte qu'il veut laisser à son fils un souvenir plus substantiel que des vidéos…
On sait que cela ne gêne pas Egan de surprendre le lecteur avec des romans bizarrement structurés. Celui-ci ne fait pas exception, avec un premier tiers qui pourrait être une sorte de séquence pré-générique, et les deux tiers suivants qui rentrent en détail dans tous les problèmes qui nous attendent sur le chemin de la copie informatique d'une personnalité humaine — but qui était gaillardement envisagé comme déjà accompli dans les premières œuvres de l'auteur. Comme toujours, la volonté d'Egan de ne rien cacher du défi intellectuel, et le niveau de détail dans lequel il s'engage, sont fascinants. Avec ici un enjeu émotionnel plus poignant que d'habitude : Martin pense sa fin proche, et voudrait que la science l'aide à éviter la disparition de sa personnalité, surtout en ce qui concerne l'éducation morale à donner à son fils. Il est des ellipses qui donnent de la force à une intrigue, qui nous contraignent à reconstituer à partir d'indices savamment distillés les péripéties qui n'ont pas été décrites en détail par l'auteur. Rien de tel ici, où j'ai plutôt eu l'impression d'une page blanche, d'un trou hâtivement recouvert, qui doit être là pour en arriver plus vite à la seconde époque. Et je dois avouer que cette deuxième période du roman ne m'a pas toujours séduit — les épisodes du jeu de réalité virtuelle autant que les stratégies de simulation de personnalité m'ont paru traîner en longueur.
Peut-être est-ce en comparaison avec la première partie, portée par l'espoir d'une révolution citoyenne et pacifique qui aurait nettoyé la théocratie iranienne. Même s'il savait qu'il mettait en scène un futur impossible parce que déjà dépassé, Egan écrit là avec passion, et, paradoxalement pour lui, des pages bien éloignées de la SF pure et dure qui est son point fort habituel.
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