Akif Pirinçci : Félidés : une enquête du détective Francis
(Felidae, 1989)
roman policier de Science-Fiction & Fantasy animalière
- par ailleurs :
Peut-être est-ce beaucoup préjuger de la patience du rédacteurenchef de KWS, et de celle du lecteur, que de parler d'un ouvrage vieux de plus de vingt ans.(1) Mais il ne semble pas en avoir été question en son temps du côté des littératures de l'imaginaire, alors que les raisons pour ce faire abondent, comme on le verra. Et d'autres que le signataire de ces lignes peuvent se trouver dans une heureuse conjoncture, mêlant par exemple passage chez un bouquiniste et demi-journée de vacances quelque peu humide dans une région où c'est pourtant rare — l'extrémité de la Bretagne en l'occurrence.
Le titre ne ment pas, pas plus que la couverture de l'édition poche rencontrée par hasard : il est bien question de chats. L'histoire est même vue et racontée par l'un d'eux, à l'exception partielle de quelques pages du journal d'un humain, mais trouvées et lues par ce narrateur. Ce n'est certes pas vraiment le seul cas de chat policier de la littérature, mais on peut d'ores et déjà plaider la Fantasy animalière, ou quelque chose s'en rapprochant, d'autant que ce chat parlant et raisonnant est loin d'être seul de son espèce, et qu'une société féline parallèle à la nôtre se dessine, avec assemblées générales et même culte sectaire à base d'électrochocs volontaires. Ladite société coexiste fort bien avec celle des humains, même si certain félin mal embouché professe que ces derniers ne sont que des ouvre-boîtes, et les rapports entre le narrateur et son supposé propriétaire, auteur de textes alimentaires consternants, affligé d'une forte surcharge pondérale et manifestement assez peu adapté à une vie sociale, sont racontés sur un ton qui rappelle un peu P.G. Wodehouse. Mais ils ne sont pas ce qu'il y a de plus important dans le volume.
Reste qu'un déménagement dudit supposé propriétaire amène le narrateur félin dans un immeuble jusque-là abandonné, dans un quartier fait de maisons et de jardins, et que ledit immeuble pourrait relever assez largement du film d'épouvante de vingt-troisième zone. L'odorat félin informe que les lieux ont sans doute abrité des expériences scientifiques non précisées, et on découvre vite qu'il s'agissait d'expérimentations sur des animaux, plus exactement — mais l'on pouvait s'y attendre — sur des chats, ce qui n'est pas sans lien avec la secte évoquée plus haut même s'il s'agissait plutôt de recherches sur une colle biologique, d'où incisions et amputations — rien de bien réjouissant. L'aspect “polar” reprend le dessus avec quelques cadavres, toujours de chats, à la nuque broyée. D'où enquête menée par le narrateur. Avec l'aide approximative du collègue mal embouché, vieux briscard amputé de sa queue et d'une patte, et d'un alter ego presque vieillard qui se sert avec brio de l'ordinateur personnel de son maître, admirateur de Mendel. Et sans celle du très désagréable caïd local et de ses sbires. En passant par la découverte de catacombes, autre haut-lieu, si l'on peut dire, pour littératures de genre, même si celles-ci sont exclusivement félines. Par des rêves, aussi, qui pourraient donner la clé de l'énigme si le lecteur et le narrateur étaient en état de bien les interpréter quand ils adviennent.
Et le tout pour arriver à cette clé de l'énigme dont l'on dira ici qu'elle relève proprement de la Science-Fiction, ou pourrait en relever si le projet qui sous-tend les crimes n'était condamné à avorter. Mais il est bel et bien fondé sur des données scientifiques, et ne vise à rien de moins qu'à la domination sur la planète…
Bref, si c'est un récit policier, bien des éléments le tirent vers les littératures de l'imaginaire. Et si l'on peut trouver tel ou tel élément superflu, tel rebondissement proche du poncif, ou le mélange global discutable, il y a bien là de quoi justifier une mention dans ces colonnes. Même avec vingt ans de retard.
- Parution originale allemande : Goldmann, 1989.↑
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