KWS : comptes rendus de lecture sur la Science-Fiction

Marc Jolivet : Mémoires d'un appui-tête

roman de Science-Fiction, 2014, avec la complicité de Julie Guinard

chronique par Noé Gaillard, 2015

par ailleurs :

Au cas où vous auriez un doute : il s'agit bien de l'humoriste, qui nous propose, avec la complicité d'une certaine Julie Guinard, un court roman préfacé par Christophe Barbier (rédacteur en chef et éditorialiste du magazine l'Express, pour lequel il a déjà officié).

Ce livre se dévore à vive dent le temps — par exemple — de parcourir en TGV la distance Paris-Marseille ou inversement. Autrement dit, un excellent remède contre l'ennui. Et se présente comme une histoire de Science-Fiction. Et démarre sur l'histoire du livre découvert dans la poche d'un mort et s'achève en 2054.

Le sous-titre de l'œuvre est le suivant : « Comment une petite injustice de 25 centimètres sur 15 (l'absence d'appui-tête latéral dans les trains en seconde classe) va faire disparaître l'Humanité ! ». Dans une première partie, il est raconté comment la SNCF en est arrivée à cette absence. Vous connaissez l'appui-tête sur lequel vous aimez reposer la vôtre, et vous auriez parfois apprécié d'en avoir un de chaque côté pour éviter de la sentir brinquebaler au gré des rails. La seconde partie montre comment une des victimes de cette absence, en ratant le concours qui devait faire de lui le premier violon de l'orchestre de la région PACA, est devenue l'étincelle qui met le feu aux poudres de l'explosion de l'Humanité.

Premier constat, c'est beaucoup moins délirant qu'il n'y paraît. Le héros constitue son armée de “révolutionnaires” à partir de tous les individus qui ont été un jour victimes d'une injustice criante. Les obscurs, les sans-grade, les petits qui, souvent fiers de leurs réparties façon “brèves de comptoir”, sentent la France profonde au parfum iodé, en constituent l'armée de manifestants dont une délégation sera reçue par le président de la République. Mais c'est à la mort du leader de cette “révolution” que sa femme, reprenant le flambeau de la révolte, déclenchera indirectement la mort de l'Humanité.

Une trame banale dites-vous, pourquoi pas si elle est relevée par un style et des trouvailles. C'est le cas ! Et puisqu'il faut étiqueter pour vous donner des idées, je rangerai Marc Jolivet au côté de Perre Dac et de Pierre Desproges. Du côté de l'absurde et de l'écriture travaillée, ciselée. Avec un soupçon d'irrévérence, d'irrespect que seuls peuvent se permettre les humoristes qui font sourire comme pour s'en excuser… Car si ce roman commence par réfuter l'allégation de Pierre Boule concernant la succession des Hommes, c'est bien de notre monde d'aujourd'hui qu'il parle… et si comme le disait Stendhal un roman peut être un miroir, le reflet présenté ici est heureusement embrumé de tendresse pour l'humain. On l'a vu, l'argument SF n'est ici que prétexte à tenir des propos qui peuvent choquer (le portrait du président) et cela rappellera à certains les procédés de la littérature classique (Montesquieu, Fontenelle et Voltaire au moins).

Noé Gaillard → Keep Watching the Skies!, nº 75, mai 2015

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