Yana Vagner : Vongozero
(Вонгозеро, 2011)
roman de Science-Fiction
- par ailleurs :
Une épidémie mortelle frappe la capitale russe. Malgré les paroles rassurantes des autorités, la situation se dégrade rapidement. Pour éviter le chaos, les forces armées soumettent la cité à un confinement total. Anna, qui vit dans la grande banlieue moscovite avec son fils et son compagnon, Sergueï, n'a pas pu venir en aide à sa mère, malade et coincée en ville. Face au fléau qui les menace, Sergueï décide de partir vers un lieu isolé, loin des hommes et de la maladie. Anna, son fils, une famille de voisins, le père, l'ex-femme et le fils de Sergueï partent donc sur les routes. Ensemble, ils fuient le mal et plongent dans l'inconnu au cœur d'un monde qui perd tous ses repères.
Vongozero n'est pas la première œuvre de fiction décrivant le combat de l'Humanité contre un virus meurtrier. L'incontournable Stephen King a déjà traité le sujet, avec un brin de manichéisme et de mysticisme, dans son roman-fleuve le Fléau (1978). C'est également une thématique qui revient à la mode dans les séries télévisées avec, par exemple, Helix (sur SyFy France) et the Last ship (sur M6). Cependant, à l'inverse de ces différentes approches du virus, Yana Vagner ne s'intéresse pas aux conséquences médicales de la maladie. Elle ne délivre pas de détails scabreux sur l'évolution du mal, mais s'interroge, à travers le petit groupe de survivants de Vongozero, sur ses conséquences sur la société. La petite dizaine de citoyens russes perd, au fil des kilomètres parcourus et des rencontres faites, son vernis de sociabilité. Ainsi, dès les premières pages du livre, le simple fait de faire le plein de sa voiture devient une aventure dangereuse. En effet, le seul moyen de survivre au virus semble être de mettre de côté tout bon sentiment et de développer un égoïsme salutaire pour le petit groupe, mais certainement pas pour la société et l'Humanité.
Pour réussir ce portrait d'une apocalypse ordinaire, Yana Vagner entraîne ses personnages et ses lecteurs dans un road movie à travers le territoire russe, sans utiliser d'effets spectaculaires, ni de grand guignol. Il n'y a donc pas d'hélicoptères chargés de médecins, de soldats en combinaisons de protection ou de malades imitant les zombies des romans d'horreur. Le petit groupe de survivants est composé de personnes tout à fait normales, des gens que l'on pourrait croiser au coin de la rue. Ils se trouvent plongés dans une situation extraordinaire qui les dépasse et qu'ils doivent apprendre à gérer. Ce ne sont pas des super-héros, même pas des héros, mais de simples êtres humains.
Le long voyage vers la terre promise qu'est Vongozero est retranscrit du point de vue d'Anna, qui nous livre ses espoirs, ses craintes et ses observations. Chacune des rencontres que font Anna et ses compagnons devient un coup de poker, parfois menteur, où la mort peut être au rendez-vous. Le groupe doit faire corps pour affronter les menaces venues de l'extérieur, tandis qu'Anna lutte contre ses propres craintes, à commencer par la présence de l'ex-femme de Sergueï qu'elle voit plus comme une rivale que comme une alliée.
Même si la progression vers le lac Vongozero est lente et pénible pour Anna et ses compagnons, la lecture de ce roman est, à l'inverse, prenante et plaisante. Après Anna Starobinets (Je suis la reine en 2013) et Vladimir Lortchenkov (Des mille et une façons de quitter la Moldavie en 2014), Mirobole Éditions poursuit, avec ce premier roman totalement maîtrisé de Yana Vagner, son exploration de la littérature russe de genre, loin des lieux communs et des effets de mode.
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