Michal Ajvaz : l'Autre ville
(Druhé město, 1993 & 2005)
roman fantastique
- par ailleurs :
C'est après avoir acheté, chez un bouquiniste, un livre à la reliure violet sombre dont les pages sont couvertes d'un alphabet inconnu, que le narrateur se met en tête d'en découvrir l'origine. Son enquête l'entraîne aux quatre coins de Prague, une cité qu'il croyait connaître par cœur et dont il discerne peu à peu les chemins secrets qui mènent vers une autre ville.
L'Autre ville fait partie de ces livres qui tombent directement des mains ou bien se lisent d'une traite. Soit l'on reste de marbre face à la création ésotérique et mystérieuse de Michal Ajvaz,(1) soit l'on est happé par cet autre monde qu'il construit tout à côté du nôtre.
Cela n'empêche pas le lecteur d'être amené à douter de la réalité de cette Autre ville que le narrateur anonyme s'entête à rechercher au fil des pages, un peu à la manière du Horla (1886) de Guy de Maupassant. Les balades, souvent nocturnes, de notre narrateur permettent de visiter une Prague enneigée dont il décrit avec moult détails les rues, les places, les églises, les cafés et les tramways. Ce réalisme tranche radicalement avec les cérémonies secrètes, les requins-tueurs et autres fantaisies qu'il découvre au gré de ses pérégrinations. Et, plus il cherche le centre de cette cité cachée, plus il semble s'en éloigner.
Parfois poétique, toujours inquiétant, voire effrayant, le récit de Michal Ajvaz pourrait tout aussi bien être mis en images par François Schuiten, co-créateur avec le scénariste Benoît Peeters du cycle de bandes dessinées des Cités obscures (onze albums de 1983 à 2014 chez Casterman) que par Francis Masse, auteur d'On m'appelle l'Avalanche (deux albums aux Humanoïdes associés en 1983) et des Dessous de la ville (Hoëbeke, 1985). Ces artistes, dont les styles graphiques sont pourtant aux antipodes, ont cependant un point commun avec Michal Ajvaz : ils ont fait de la ville un personnage essentiel de leur œuvre. Il s'agit à chaque fois d'une ville réinventée qui, partant de la plus matérielle des réalités, glisse doucement vers le mythe urbain et la fantaisie la plus échevelée.
Une fois encore Mirobole Éditions surprend ses lecteurs en proposant un roman totalement inclassable, oscillant entre poésie et surréalisme.
- Traduit du tchèque par Benoît Meunier.↑
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