Bertrand Campeis ; Karine Gobled : le Guide de l'uchronie
essai et entretiens, 2014
- par ailleurs :
Voilà et de quoi pleurnicher et de quoi se réjouir pour l'amateur d'uchronies, monomaniaque ou pas. Pleurnicher d'abord, parce qu'il aura l'impression de peu découvrir de nouveau ; au-delà d'une présentation du genre en douze questions qui pourra sembler un digest de celle, en cinquante, publiée en 2009 aux éditions Klincksiek par Eric B. Henriet (par ailleurs préfacier), l'ouvrage lui paraîtra pour l'essentiel constitué d'une série de brèves fiches standardisées (références, résumé, commentaire et “vous avez aimé ?” donc lisez…) d'une page ou guère plus, sur différents ouvrages classés par ordre alphabétique de titre et en général bien connus, trois textes anciens, vingt-sept auteurs français de Lambert, Pagel, Mauméjean et Heliot à Duits, Schmitt et Giscard, trente et un auteurs anglo-saxons, de Dick à King, ou de Roberts à Silverberg et de Chabon à Roth — ce qui n'est tout de même pas extraordinairement original, même en ajoutant un “autre”, Negrete. Puis s'apercevoir qu'il ne connaît pas tout, découvrir la référence d'une nouvelle de 1854 qu'il ignorait et dont on lui indique obligeamment où elle niche sur la toile, en l'occurrence chez Gallica, le site de la BnF ; trouver de rares parutions de ces toutes dernières années qui ont pu lui échapper (s'il est moins monomaniaque qu'on pourrait le penser), surtout en matière de productions pour la jeunesse, à partir de la page 190. Quitte à maugréer de nouveau parce que la Véritable histoire de France de Bernard Quillet ou la République populaire de France de Maurice Goldring sont à peu près autant des essais que le Napoléon apocryphe de Louis Geoffroy et bien moins que l'Uchronie de Renouvier, même s'ils en empruntent les formes extérieures, et que la rareté réelle des essais proprement uchroniques est aggravée par ce qui pourrait bien être des trous dans la documentation (peut-être aurait-il fallu aller voir du côté non seulement des livres, mais aussi des articles, et de quelques travaux disponibles sur l'internet). Quitte aussi à maugréer devant la distinction artificielle qui fait de la Patrouille du temps un recueil de nouvelles, bien isolé de Pavane ou de Roma æterna qui ne sont pourtant pas des livres construits autrement, ou devant le faible nombre de nouvelles isolées signalées, devant l'assez faible nombre de bandes dessinées, comics ou mangas, de films, dessins animés et téléfilms, de jeux, etc. Bref, à râler qu'il reste sur sa faim.
Sauf qu'il aura tout de même fait quelques découvertes. Et que s'y ajoutent quatorze mini-interviews, un jeune historien, Fadi El Hage, Étienne Barillier pour le steampunk, des scénaristes (Vincent Brugeas, Richard D. Nolane, Jean-Pierre Pécau, Corbeyran), des écrivains (Christophe Lambert, Johan Heliot et Xavier Mauméjean, Robert Charles Wilson, Robert Silverberg, Jo Walton, et puis côté “pour la jeunesse”, Jean-Luc Marcastel et Alain Grousset…) et que c'est bien agréable. Sauf surtout que le livre n'est pas fait pour le spécialiste pointilleux, qu'il est une introduction, un guide, et se donne comme tel, que le rapport qualité/poids/prix est attractif, que la couverture l'est aussi (une Mona Lisa à casque à pointe faite de noms d'auteurs)… qu'il ne semble pas y avoir de ces bourdes à l'abri desquels nul n'est jamais sûr d'être, qu'on peut le recommander de confiance, et que si seul le public des monomaniaques était visé, cela obérerait quelque peu la diffusion. Donc le monomaniaque achètera, au nom de la complétude et ne dira pas trop qu'il a découvert des choses, le public curieux en aura plus que pour son argent, et tout le monde sera content du moins peut-on l'espérer. Il ne reste donc plus, après les grommellements, qu'à adresser un grand coup de chapeau à l'éditeur. Et aux auteurs, accessoirement !
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