KWS : comptes rendus de lecture sur la Science-Fiction

Serge Brussolo : Anges de fer, paradis d'acier

roman de Science-Fiction, 2015

chronique par Philippe Paygnard, 2016

par ailleurs :

Camerlingue de Sa Sainteté Nothanos III, David Sarella sent pourtant que son avenir au sein de l'Église du Pardon Universel Intergalactique est loin d'être assuré. Il est en effet l'un des derniers à connaître l'inavouable secret du pape, qui n'est qu'un clone fait de pure énergie. David craint donc que sa disgrâce, exilé qu'il est au milieu des combattants, ne devienne plus définitive. Mais tout change lorsque le Saint-Père décide de s'installer, avec ses fidèles, sur Almoha et ordonne à David de libérer trois dieux assez puissants pour terraformer le planétoïde stérile.

Après deux longues années, on retrouve enfin le David Sarella de Frontière barbare. Embarqué malgré lui dans de nouvelles aventures, il va partir dans l'espace à la recherche de divinités capables de redonner vie à ce rocher désert et inhospitalier qu'est devenu Almoha, l'une des planètes, terres ou contrées récurrentes de l'univers littéraire de Serge Brussolo. Ainsi, après un petit détour dans le cimetière d'avions qui entoure le bunker papal, c'est le sombre espace et Almoha qui attendent David Sarella. Bien évidemment, ce bref intermède dans une jungle d'acier permet à Brussolo de revenir sur certaines de ses obsessions. On croise des engins de guerre qui se réparent et évoluent, et des êtres vivants transformés en véritables hommes-machines, dont les blessures physiques sont bricolées à l'aide de composants électroniques et de pièces mécaniques.

Brussolo ajoute à son discours une touche d'eugénisme et de génétique appliquée à travers cette réflexion sur les enfants qui seraient naturellement soumis à leurs parents et qui ne peuvent se débarrasser de cet esclavage qu'avec un processus d'accession accélérée à l'âge adulte. Cela donne alors de jeunes adultes dont la maturité physique n'a pas la contrepartie des expériences vécues et qui imposent un jeunisme forcé à la société tout entière. July et Kevin, les enfants de David, ont d'ailleurs suivi ce parcours précipité faisant d'eux les rivaux de leur géniteur vieillissant.

Quant aux trois dieux que David Sarella doit libérer d'une prison haute sécurité, ils ont eux aussi l'allure d'éphèbes et se révèlent bien moins divins qu'ils ne semblent l'être au premier abord. C'est autour de ces personnages que Serge Brussolo fait assaut d'un humour assez rare dans ses œuvres, même si cette légèreté de ton est mâtinée de dérision et d'un certain cynisme.

Comme la plupart des David Sarella appartenant à l'univers de Serge Brussolo, ce Sarella est plus témoin que maître de son destin. Toutes les décisions qui s'imposent à lui sont prises par ceux qui l'entourent, mais il parvient pourtant à échapper à la plupart des dangers mortels qui hantent Almoha et l'imaginaire ô combien fécond de son créateur.

Philippe Paygnard → Keep Watching the Skies!, nº 77, février 2016

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