KWS : comptes rendus de lecture sur la Science-Fiction

Øystein Stene : Zombie nostalgie

(Zombie nation, 2014)

roman fantastique

chronique par Philippe Paygnard, 2016

par ailleurs :

Il se réveille nu, privé de mémoire, dans une pièce vide. On lui attribue un numéro matricule, un nom, un logement, ainsi qu'un travail et le voici devenu citoyen de Labofnia. Même si l'absence de tout souvenir ne le gêne pas vraiment, celui qu'on appelle désormais Johannes van der Linden finit par s'interroger sur son état physique. Pourquoi son corps lui semble-t-il si étrange, voire étranger ? Pourquoi sa peau ressemble-t-elle à celle d'un cadavre pas frais ? Pourquoi lui arrive-t-il régulièrement d'oublier de respirer ?

Renouveler le genre zombiesque n'est pas une tâche facile. Certes, au cinéma les morts-vivants cacochymes du film la Nuit des morts-vivants (de George A. Romero, 1968) sont d'ores et déjà concurrencés par les zombies sprinters de 28 jours plus tard (de Danny Boyle, 2002). Alors que dans ses romans Comment j'ai cuisiné mon père, ma mère… et retrouvé l'amour (2009) et le Jour où les zombies ont dévoré le Père Noël (2012), S.G. Browne propose, avec Andy Warner et les autres victimes de résurrection spontanée, des zombies conscients de leur état au sein d'une société qui les rejette à cause de leurs habitudes alimentaires peu conventionnelles. Mais un mort-vivant reste toujours un mort-vivant.

Avec Zombie nostalgie, Øystein Stene ne suit pas exactement le même chemin que Browne et parvient ainsi, avec une certaine roublardise et avec l'indispensable complicité de ses lecteurs, à trouver une nouvelle voie. Car, pour apprécier au mieux ce livre, il faut faire totale abstraction de son titre et de sa couverture. En effet, si le terme de zombie n'est pas employé dans les tout premiers chapitres, il trône au frontispice de ce roman et les lecteurs se doutent bien que Johannes, tout comme l'ensemble de la population de Labofnia, ne peut être qu'un zombie et donc forcément un amateur de chair humaine. Pourtant, Øystein Stene retarde volontairement le moment de cette révélation le plus longtemps possible. La lecture de Zombie nostalgie ressemble à un jeu de cache-cache entre l'auteur, qui diffère l'instant où ses Labofniens agiront enfin comme les zombies qu'ils sont, et les lecteurs qui attendent de voir comment l'auteur va révéler ce secret de polichinelle. La narration alternée choisie par Øystein Stene participe à retarder l'aveu de la nature zombiesque des Labofniens. On suit donc en parallèle le récit dans lequel Johannes se découvre et découvre les méandres de la société Labofnienne de 1989 et les chapitres qui dévoilent toute l'histoire de cette île perdue par le biais des archives locales.

Bien évidemment, les Labofniens d'Øystein Stene ne sont pas uniquement des zombies ; ils sont également le symbole de cette peur d'un étranger qu'il est préférable de déshumaniser pour mieux le rejeter. Plus qu'un roman fantastique, Zombie nostalgie est un conte à la sombre morale.

Philippe Paygnard → Keep Watching the Skies!, nº 77, février 2016

Commentaires

Ajouter un commentaire

Les commentaires sont publiés après validation par Quarante-Deux.