KWS : comptes rendus de lecture sur la Science-Fiction

Clive Barker : les Évangiles écarlates

(the Scarlet gospels, 2015)

roman fantastique

chronique par Philippe Paygnard, 2016

par ailleurs :

Réunissant une petite bande hétéroclite d'aventuriers de l'occulte, le détective privé Harry D'Amour se précipite en Enfer pour sauver sa vieille amie Norma Paine. Cette dernière a été enlevée par le Prêtre de l'Enfer, bien plus connu sous le sobriquet de Pinhead, qui veut faire de Harry le Témoin de sa conquête des abysses infernaux.

Après avoir fait un détour par la littérature jeunesse, avec la série Arabat (trois tomes de 2002 à 2011), Clive Barker revient à ses premières amours, l'horreur et le gore. Il livre ici ce qui semble être la conclusion de sa saga Hellraiser développée, depuis 1986, à travers différents supports : livres, films, bandes dessinées. Outre l'iconique Pinhead, il convoque, pour cet épilogue, l'un de ses personnages préférés, le détective privé Harry D'Amour. C'est d'ailleurs lui qui joue le rôle principal de ce récit et que l'on apprend à connaître au fil des pages. Plusieurs flashbacks permettent ainsi de découvrir qu'avant les événements de "la Dernière illusion",(1) nouvelle où il fait sa première apparition publique, Harry avait déjà eu maille à partir avec le surnaturel. Il est même facile de donner un visage au détective qui a été interprété, sur grand écran, par le comédien Scott Bakula (celui de Code Quantum et Star trek: Enterprise) dans le film le Maître des illusions (Lord of illusions, 1995), écrit, produit et réalisé par Clive Barker en personne. Outre cette adaptation cinématographique, D'Amour a aussi fait une brève apparition dans Secret show (1989) et une beaucoup plus conséquente dans Everville (1994), deux romans du cycle des Livres de l'art. Pour ces Évangiles écarlates, l'enquêteur du mystère se fait chef de bande et mène « un dandy, une gouine […] et une grande folle » au plus profond des royaumes infernaux, là où la mort n'est que souffrance infinie. Il est prêt à prendre tous les risques pour sauver celle qu'il considère comme sa mère de cœur, Norma, cette vieille femme noire et aveugle, capable de communiquer avec les fantômes.(2)

Face à Harry D'Amour, avec ses failles et ses espoirs d'être humain, Clive Barker utilise son méchant le plus célèbre, Pinhead. Aperçu dans le court roman Hellraiser,(3) ce dernier a été rendu célèbre par la série de films et de BD dont il fut le terrifiant héros. Doté de pouvoirs magiques incommensurables et d'une haine à la hauteur de son ambition, il veut faire des Enfers son royaume et détruira tous les obstacles qui pourraient se dresser sur sa route, y compris ses frères Cénobites. Cette approche dévastatrice permet à Barker de mettre à bas la mythologie développée dans neuf longs-métrages dont, à l'exception des tout premiers, le romancier refuse la paternité. Il élimine ainsi d'un trait de plume une « prêtresse » et un « frère de très forte corpulence qui portait des lunettes noires » qui renvoient justement à cette série de films.

La traduction de Benoît Domis conserve toute la vitalité de ce récit d'aventures horrifiques présentées dans un superbe écrin par Bragelonne, papier de qualité, couverture cartonnée avec jaquette.

Trente ans après leur apparition, Clive Barker semble donc vouloir conclure la carrière de ses personnages les plus célèbres. Il le fait avec brio et flamboyance dans un roman qui se lit d'une seule traite.

Philippe Paygnard → Keep Watching the Skies!, nº 78, août 2016


  1. La nouvelle "the Last illusion" a été publiée dans le volume 6 des Books of blood (1985) et traduite en français par Jean-Daniel Brèque dans le tome 6 des Livres de sang : la Mort, sa vie, son œuvre, publié en France par les éditions Albin Michel en 1992.
  2. La médium Norma Paine est apparue au côté d'Harry D'Amour dans la nouvelle "les Âmes perdues" ("Lost souls", 1986), traduite par Jean-Daniel Brèque et publiée dans le nº 5 de la revue Ténèbres en janvier-mars 1999.
  3. The Hellbound heart est paru en 1986 et a été traduit en français par Mélanie Fazi sous le titre Hellraiser pour Bragelonne en 2006.

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