KWS : comptes rendus de lecture sur la Science-Fiction

Ken Liu : l'Homme qui mit fin à l'Histoire : un documentaire

(the Man who ended History: a documentary, 2011)

court roman de Science-Fiction

chronique par Philippe Paygnard, 2017

par ailleurs :

À deux pas d'aujourd'hui, dans un futur proche où deux scientifiques ont mis au point un procédé permettant de visiter le passé, des personnes concernées par cette invention témoignent de son intérêt et de ses dangers.

L'Homme qui mit fin à l'Histoire est un texte bref, qui correspond parfaitement aux impératifs de la nouvelle collection "Une heure-lumière" du Bélial’. C'est également un récit intense qui offre à Ken Liu, romancier américain d'origine chinoise, la possibilité de revenir sur des heures noires de l'Histoire. Grâce à cette étrange machine à remonter le temps inventée par les professeurs Evan Wei et Akemi Kirino, il est en effet possible d'explorer le passé et l'un des premiers lieux/époques visités est la Mandchourie occupée par les troupes japonaises en 1940. Il s'agit plus précisément de la ville d'Harbin, là où la sinistre Unité 731 se livrait à d'impensables expérimentations sur des prisonniers chinois qui provoquèrent la mort de plusieurs milliers d'innocentes victimes. Le récit de Ken Liu met en lumière ce “détail de l'Histoire” comme diraient certains, dont l'atrocité rivalise avec les expériences des médecins nazis dans les camps de concentration, le secret en plus. En effet, il a fallu attendre les années 1980 pour que les terrifiantes exactions de l'Unité 731 commencent à être évoquées et officiellement reconnues en 2002.

À ce témoignage poignant, le romancier ajoute une dimension presque philosophique puisque le système inventé par Wei et Kirino a l'inconvénient d'être à usage unique. Le voyageur temporel qui plonge ainsi dans le passé ne peut qu'observer les événements, sans aucune possibilité d'interférer, et une seule fois. Chaque visite en un instant de l'Histoire interdit toute nouvelle exploration, créant le risque de faire disparaître le moyen de recueillir et de conserver les preuves d'actes aussi terrifiants que ceux perpétrés par l'Unité 731.

Depuis World war Z de Max Brooks (2006), la narration par compilation de témoignages, à la manière des documentaires, a démontré toute son efficacité dans la littérature de genre. C'est cette technique qu'utilise Ken Liu dans l'Homme qui mit fin à l'Histoire pour ouvrir la conscience de ses lecteurs.

Philippe Paygnard → Keep Watching the Skies!, nº 80, juillet 2017

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