Fabrice Colin : Jenny
thriller fantastique, 2016
- par ailleurs :
Journaliste marié à April, l'amour de sa vie, Bradley Hayden a tout pour être heureux. Un voyage à Las Vegas et la disparition inexpliquée de sa femme transforment son avenir en une véritable descente aux enfers. La chute semble ne pas avoir de fin puisque, après avoir perdu son emploi et ses illusions, il rencontre la surprenante Jenny qui va lui proposer un étrange marché et l'entraîner dans un road trip meurtrier.
Avec Jenny, Fabrice Colin complète un cycle américain inauguré par Blue Jay Way (2012) et poursuivi par Ta mort sera la mienne (2013). Le point commun de ces trois romans est bien évidemment l'Amérique, une Amérique décadente et fascinante comme celle que l'on visite à travers les livres de Bret Easton Ellis ou les films de David Lynch. D'ailleurs, comme dans certaines œuvres de ce dernier, Fabrice Colin joue avec cette frontière entre le réel et le cauchemar. Prenant le contrepied de bon nombre d'ouvrages de fiction où le héros, amnésique, cherche à retrouver des souvenirs perdus, il nous propose un personnage qui se souvient d'événements qui n'ont pas pu survenir. Tout au long du récit, on suit ainsi Bradley Hayden piégé entre deux trames parallèles.
Il y a d'abord celle qui succède presque immédiatement à la disparition d'April et où il rencontre l'impressionnante Jenny. La mystérieuse femme, qui donne son titre au roman et trône, de dos, en couverture, apparaît au premier abord comme la figure la plus énigmatique du livre. Il est difficile d'imaginer ce que peut dissimuler ce corps de déesse callipyge qui pèse cent quinze livres et que Fabrice Colin décrit comme pachydermique et grandiose.
Et puis, il y a cette seconde trame où l'on retrouve Bradley enfermé dans une étrange institution où le professeur Renshaw essaie de lui faire prendre conscience qu'une bonne partie des souvenirs qu'il a de Jenny ne peuvent être réels.
Ce sont ces deux niveaux de réalité qui font du thriller de Fabrice Colin un livre à la limite du Fantastique. Tout du long de son récit, le romancier laisse le doute planer et crée ainsi une sensation de malaise. On oscille entre ces deux réalités puisque Colin alterne, au fil des chapitres, le voyage meurtrier à travers les États-Unis et le séjour en clinique. Il est difficile pour le lecteur de savoir quelle partie du roman est la réalité et quelle partie en serait la projection fantasmée.
Le dernier opus en date du cycle américain de Fabrice Colin est un livre d'autant plus ensorcelant que les personnages, au lieu de se révéler au fil des chapitres, deviennent de plus en plus mystérieux. Et lorsque le dénouement est enfin proposé, créant un lien entre les trois romans de ce cycle américain, le lecteur se rend compte que tout ou presque dans le récit des mésaventures de Bradley Hayden et de Jenny n'était que faux-semblant. C'est cette véritable maîtrise des apparences et d'un réel fantasmé ou concret qui oblige celui qui commence la lecture de Jenny à tourner les pages sans s'arrêter jusqu'à sa surprenante conclusion.
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