KWS : comptes rendus de lecture sur la Science-Fiction

Sylvain Lamur : Quaillou

roman de Science-Fiction, 2017

chronique par Pascal J. Thomas, 2017

par ailleurs :

Quentin Quonnard est un capitaine de vaisseau indépendant, à défaut d'être un capitaine d'industrie. Avec son partenaire Weddie, il sillonne la galaxie à bord du Bill Dollar, à la recherche de contrats pour maintenir à flot sa modeste B.Q. Company. Et, avouons-le, à la recherche aussi d'occasions d'échapper à la surveillance jalouse de son épouse Ylda. Et son rendez-vous d'affaires avec Margus Helb-Feldt sur UMEG IV est aussi prétexte à regarder de plus près la secrétaire du magnat, l'éblouissante Eulaïenne mademoiselle S.

Hélas, sur les routes de l'hypo-espace, arrive un accident rarissime, et Quentin est échoué sur un astéroïde qui, divine surprise, lui permet de survivre et exauce même tous ses vœux. Presque : pour quitter l'endroit, il va lui falloir ruser. Et quand il se retrouve, très en retard, sur sa planète de destination, Helb-Feldt se révèle incroyablement hostile, et plus gangster que patron. Il faut toute la bienveillance amoureuse de mademoiselle S., et aussi de madame Helb-Feldt, pour que Quentin se tire de ce mauvais pas. Mais de graves ennuis l'attendent sur sa planète de départ…

Nous n'en sommes même pas à la moitié du livre ; je vous laisserai découvrir le reste. Disons seulement que les montagnes russes de l'intrigue s'accélèrent sans cesse au fur et à mesure qu'on progresse dans ce mince volume, Quentin allant de rétablissements incroyables de dernière minute à la retombée dans les plus noirs abîmes. Cela finit par être un jeu — bien en phase avec l'atmosphère de pastiche tendrement humoristique du Fleuve noir "Anticipation" sur laquelle s'ouvre ce livre. À vrai dire, bien d'autres influences que celles du FNA peuvent être attribuées à ce roman. Personnellement, j'y décèlerais du Robert Sheckley pour la transposition humoristique au cadre interplanétaire de notre société commerciale, et du San-Antonio pour la distanciation de la narration à la première personne, et pour l'incessante succession de conquêtes féminines enregistrée par Quentin — sans qu'il fasse le moindre effort pour cela.

Voici donc un roman de SF à la fois humoristique et bourré de suspense, surprenant et bien mené. Je l'ai lu avec grand plaisir. Bien entendu, le jeu sur le nom du personnage est facile, et si lui ne perd pas une occasion de rappeler qu'il s'écrit avec un Q, nous pouvons aussi constater qu'il a un cul étonnant, et surtout pour les affaires de fesse. Une telle complaisance dans les fantasmes fait penser au mot anglais fantasies, et l'astéroïde-lampe d'Aladdin, qui n'est restreint par aucune règle budgétaire rigoriste du style “trois souhaits”, nous pousse plus loin encore dans le domaine du merveilleux, du conte de fées.

Et c'est dans les passages où il se fait conte plus que roman que Quaillou procède aussi à des incursions dans le sérieux. Quelles sont les limites au désir ? Sur l'astéroïde, Quentin crée à tire-larigot des êtres conscients et ces objets souhaités, loin de rester les jouets de leur créateur, deviennent eux-mêmes des sujets souhaitant, et peuvent créer les pires ennuis à leur père spirituel. Et dans l'univers extérieur, qui s'il ne plie pas à ses caprices reste néanmoins remarquablement accommodant avec lui, il finit (une fois passé le danger) par ressentir une saturation du plaisir, et se heurter à l'impossibilité des amours multiples. Je n'irai pas jusqu'à dire qu'il s'assagit, il reste trop narquois pour cela, mais le récit, pour joyeux qu'il soit, sait se donner le relief que procurent les ombres bien placées.

Pascal J. Thomas → Keep Watching the Skies!, nº 81, décembre 2017

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