Stephen King ; Owen King : Sleeping beauties
(Sleeping beauties, 2017)
roman de Science-Fiction
- par ailleurs :
La fièvre Aurora frappe la planète. Continent après continent, pays après pays, ville après ville, le mal se répand. Le fléau ne touche cependant qu'une partie de la population : les femmes. Il suffit qu'elles s'endorment pour ne plus se réveiller. Enveloppées d'une sorte de cocon, elles ne sont ni vivantes ni mortes, mais elles quittent le monde des hommes si ce n'est par le corps, au moins par l'esprit. Face à la menace de cette catastrophe annoncée qui progresse au rythme des fuseaux horaires, les habitants de la bourgade de Dooling, dans les Appalaches, s'organisent. Se retrouvent ainsi en première ligne, le sheriff Lila Norcross qui doit veiller sur la petite communauté avec ses adjoints, et Janice Coates, directrice de la prison pour femmes où plus d'une centaine de détenues purgent leur peine. À ces femmes au caractère bien trempé, il faut ajouter le docteur Clint Norcross, psychiatre attitré du pénitencier et mari du chef de la police.
Après l'Homme-feu de Joe Hill (2016), la famille King poursuit sa destruction systématique de la planète. Cette fois, ce sont le patriarche, Stephen, et le cadet, Owen, qui s'associent pour déconstruire le monde que nous connaissons.
Une remarque liminaire s'impose. Même si Sleeping beauties a été écrit à quatre mains, il est pratiquement impossible de dire si une partie a été concoctée par le père et une autre par le fils. L'ensemble du récit a une cohérence et une unicité qui font que nulle rupture de style ne vient gêner la lecture de ce pavé kinguesque en diable.
La quatrième de couverture de Sleeping beauties est un peu trop bavarde puisqu'elle décrit tout le processus de la fièvre Aurora avec le cocon qui emprisonne les femmes dans leur sommeil, et la folie meurtrière qui s'empare d'elles si on essaie de les réveiller. Elle dévoile également l'immunité exceptionnelle de la mystérieuse Evie Black et la question de savoir si elle est un cas d'étude pour la science ou bien une créature démoniaque. Fort heureusement, ce que ne dit pas ce résumé, c'est la manière dont les différents personnages de ce roman affrontent ce fléau. Il y a ces femmes qui choisissent de plonger délibérément dans le sommeil et celles qui luttent en utilisant toute la pharmacopée légale ou non pour repousser l'assoupissement fatidique. Il y a ces hommes qui font tout ce qu'ils peuvent pour aider et protéger leurs proches encoconnées, et il y a ceux qui sont prêts à violer ou à détruire ces corps alanguis. C'est bien évidemment cette galerie de personnages profondément humains qui donne tout son intérêt à la lecture de ce long roman.
Le seul bémol concernant les protagonistes de ce récit tient aux méchants qui se révèlent un peu trop caricaturaux. Il y a ainsi ce gardien qui abuse de son autorité sur les pensionnaires de la prison. Il y a également cet agent de la fourrière municipale, une brute colérique qui devient la mauvaise conscience du nouveau sheriff alcoolique et influençable. Il y a enfin ce sale gamin qui ne pense qu'à mettre le feu aux cocons contenant les femmes endormies.
Ceci dit, Sleeping beauties, même s'il est l'œuvre commune de Stephen King et d'Owen King, se situe dans la continuité directe des romans du père. On retrouve ainsi dans ce livre un peu du Fléau (1978 & 1990) avec ce virus qui progresse à travers le pays et met à mal les institutions. On peut aussi voir dans le mystérieux personnage d'Evie Black la contrepartie féminine d'André Linoge, celui qui vient sur l'île de Little Tall, tue et ne consent à repartir qu'en échange d'un marché démoniaque dans le téléfilm la Tempête du siècle (1999). Si l'on poursuit ce jeu de références, on peut également citer Dôme (2011) qui permet, tout comme Sleeping beauties, de suivre l'évolution d'un petit groupe face à une situation inattendue et inexplicable, avec les tentations connues par le plus grand nombre, les trahisons de certains et la loyauté d'une minorité. Même si les femmes s'assoupissent les unes après les autres au fil des chapitres, elles restent des caractères forts comme Stephen King sait les écrire. Et le sheriff Lila Norcross, que l'on suit du début jusqu'à la fin de cette aventure, n'est pas sans rappeler l'esquisse que peut constituer le sheriff Ruth Merrill qui affronte les Tommyknockers dans le roman homonyme (1987).
Est-ce justement parce qu'il y a bien trop de réminiscences d'œuvres du King dans ce récit, ou bien est-ce simplement parce que le roman prend son temps entre les différents et nombreux personnages, que ce livre n'est pas le page turner attendu ? Mais il est certain que, malgré quelques idées intéressantes et de véritables bonnes intentions, il ne laissera pas un souvenir impérissable à son courageux lecteur.
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