Jean-Claude Dunyach : l'Enfer du troll
roman de Fantasy, 2017
Marié à la fin du premier livre qui lui était consacré, l'inénarrable troll d'entreprise de Jean-Claude Dunyach aurait dû se reposer, laisser pousser la mousse sur ses roches et frotter les oreilles à son stagiaire Cédric. Ce serait mal connaître la perversité de ses patrons, qui le réembauchent comme contractuel, sous la direction de sa propre épouse, laquelle n'est pas mécontente de délaisser son salon de coiffure pour aller chasser les épouvantables malédictions à l'autre bout de la planète. Croisière tous frais payés à la clé.
Logés dans la soute à charbon, nos trolls trouvent que la croisière commence plutôt mal, d'autant que parmi leurs compagnons de navigation se trouvent une escouade de chevaliers plutôt pathétiques, et l'incarnation du Mal absolu : des consultants en management. Contre la nécromancie, les méthodes subtiles du troll (consistant à foncer dans le tas en écrasant quelques crânes) perdent de leur efficacité. Il devra faire preuve d'astuce, ou de façon plus réaliste, demander à son épouse de prendre en main l'aspect conceptuel de sa mission.
À la différence du premier, ce deuxième volet des aventures du troll n'est pas fragmenté en plusieurs longs récits, mais suit la même intrigue du début à la fin. En passant toutefois par un chapelet de péripéties aussi gratuites que délicieuses. Comme nous commençons à connaître le troll et son humour, on court le risque d'une certaine lassitude, mitigée par le constant plaisir de la familiarité. On notera toutefois que le récit est émaillé de remarques aigres-douces sur les épouses, jugées à la fois plus aptes à mener la barque du ménage et beaucoup trop autoritaires pour la tranquillité de leur conjoint.
Le livre prend vraiment son essor quand nos trolls arrivent à destination, sur une île volcanique où la succursale locale de leur compagnie montre une efficacité suspecte. Et le troll doit faire face aux magiciens du management. Les lecteurs sensibles choisiront de lire ces passages en fermant les yeux. On y trouve des phrases aussi fortes que « l'enfer ressemble beaucoup à une journée de boulot. Sans les pauses… »
. Et cet échange énorme : « “Vous êtes donc tous voués au mal ? — Pas moi…” (un jeune magicien lève timidement la main). “Je suis à quarante pour cent sur un autre projet.” »
. Et ça continue pendant plusieurs chapitres absolument savoureux, et qui doivent l'être encore plus pour les travailleurs du secteur privé — quoique les tentacules du management s'immiscent aussi dans le cadre universitaire que je connais mieux dans ma vie civile.
Bref, je ne sais pas si Jean-Claude Dunyach aura des ennuis d'abord avec sa hiérarchie professionnelle ou avec sa hiérarchie conjugale, mais on espère pour lui que ni les uns ni l'autre ne lisent ses livres. Le reste d'entre vous, par contre, trouvera plaisir et avantage à se jeter dessus goulûment.
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