Poul Anderson : les Coureurs d'étoiles
(recueil sans équivalent en langue anglaise, 2018)
nouvelles et court roman de Science-Fiction
La Compagnie solaire des épices et liqueurs poursuit sa politique de conquête commerciale à travers l'espace, jouant parfois le rôle de défricheur face à des peuples exotiques et des civilisations étrangères. Fondateur de cette entreprise, Nicholas van Rijn laisse la place à de jeunes et fougueux explorateurs auxquels il est toujours prêt à donner de bons conseils pour le plus grand bien de sa société.
Troisième des cinq tomes prévus consacrés à la Hanse galactique de Poul Anderson,(1) les Coureurs d'étoiles réunit trois nouvelles et une novella permettant de découvrir quatre nouveaux mondes dont les habitants ont des mœurs bien surprenantes. Quatre histoires de premier contact où l'on retrouve la truculence de Van Rijn (" Territoire ") et la ruse de David Falkayn ("les Tordeurs de troubles"), mais où le ton devient aussi un peu plus sombre ("le Jour du Grand Feu" & "la Clé des maîtres").
Écrits dans les années soixante, les textes de Poul Anderson sont forcément datés, tout particulièrement en ce qui concerne les personnages féminins. Ces derniers ne jouent que des rôles secondaires et ne sont pas toujours bien traités par les héros masculins. Ainsi, dans "Territoire", Nicolas van Rijn rappelle régulièrement l'Espérancienne Joyce Davisson à ses devoirs de femme (cuisine et beauté), et s'extasie plus sur ses courbes que sur son intelligence. Alors que Stepha Carls, dans "les Tordeurs de troubles", semble échappée des écrits de Robert E. Howard, apparaissant tout à la fois comme la demoiselle en détresse de service et la fière princesse guerrière. Quant à la Cynthienne Chee Lan, unique membre féminin de l'équipage du Débrouillard, c'est tout naturellement elle qui se fait enlever et sert d'otage dans "le Jour du Grand Feu".
Au-delà du point commun qui existe entre ces quatre textes (un premier contact avec une civilisation étrangère), chaque récit a sa propre couleur, sa propre thématique. Seule nouvelle donnant la vedette à l'incontournable Nicholas van Rijn, véritable Falstaff de l'espace, "Territoire" démontre que les meilleures intentions du monde ne suffisent pas si on ne prend pas en compte les particularités des autochtones. Une chose que Van Rijn sait faire, même si c'est à son profit. L'humour un brin graveleux de Nicholas désamorce l'aspect dramatique de cette histoire où deux Humains sont coincés sur une planète dont l'atmosphère est saturée d'ammoniac et où la température excède rarement les -40° C.
L'équipage du Débrouillard, composé de David Falkayn, Adzel et Chee Lan, est mis à rude épreuve face aux habitants d'Ikrananka, dont la civilisation est proche du Moyen-Âge, dans la novella "les Tordeurs de troubles", et aux populations reptiliennes de Merséia, un monde menacé par l'explosion d'une supernova, dans "le Jour du Grand Feu". Il va falloir que le trio, aidé par l'ordinateur de bord du vaisseau, utilise toutes les capacités de ses membres pour atteindre le but recherché par la Compagnie solaire des épices et liqueurs, mettre en place de lucratives relations commerciales. Si le contrat est rempli dans les deux cas, la seconde aventure de Falkayn et de ses compagnons est bien plus sinistre que la première et sa conclusion, en une ultime phrase, se révèle des plus angoissantes.
Nicholas van Rijn ne participe nullement à l'action de la dernière nouvelle intitulée "la Clé des maîtres", il ne fait qu'écouter le témoignage des survivants d'une mission sur la planète Cain qui a failli tourner au désastre. Dans ce récit encore plus sombre que le précédent, à la limite parfois de l'horreur, Van Rijn lui-même n'est plus aussi débonnaire que dans "Territoire" et les nouvelles parues précédemment. Ici, il ressemble plus à un Nero Wolfe qui résout l'énigme de la structure sociale de Cain, basée sur une sorte d'esclavage librement consenti, sans bouger de chez lui.
S'inscrivant au cœur d'une œuvre plus vaste, la Civilisation technique, ces quatre textes permettent de découvrir plus encore l'univers complexe de Poul Anderson et rendent également compte de l'époque où ces récits de Science-Fiction ont été écrits. Jean-Daniel Brèque a su rendre la traduction de la prose andersonnienne suffisamment moderne ou intemporelle pour qu'elle ne soit pas un obstacle à cette lecture, tout au contraire. Quant à Nicolas Fructus, après Nicholas Van Rijn et David Falkayn, c'est le reptilien Adzel et Stepha Carls qu'il met à l'honneur en couverture. Deux tomes à venir doivent enrichir et compléter le Cycle de la Hanse galactique.(2)
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