KWS : comptes rendus de lecture sur la Science-Fiction

Maxime Chattam : le Signal

roman fantastique, 2018

chronique par Philippe Paygnard, 2019

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Tom Spencer et sa famille abandonnent leur vie de citadins pressés pour s'installer dans la paisible petite ville de Mahingan Falls, havre de paix isolé du reste du monde par la mer et des reliefs montagneux. Auteur de théâtre qui a connu de beaux succès, mais traverse une période de perte de confiance, Tom espère retrouver l'inspiration au cœur de cette maison qui les a immédiatement séduits par son authenticité. Olivia, sa femme, a choisi de tout quitter, de renoncer à sa brillante carrière d'animatrice de télévision, pour tout recommencer à Mahingan Falls. Mère de famille, elle s'occupe bien évidemment de bébé Zoey, la petite dernière, mais ne délaisse pas son aîné Chad, ni celui qui a rejoint le clan familial depuis la mort accidentelle de ses parents, le cousin Owen. Ensemble, ils vont devoir s'adapter à leur nouvelle vie et faire face à d'étranges événements.

Maître du thriller, Maxime Chattam s'aventure, avec ce Signal, sur les terres de Stephen King et de H.P. Lovecraft, qu'il cite en préambule de son récit, et cela s'entend au sens littéral. En effet, le romancier français place l'action de son nouveau livre au cœur d'une Nouvelle-Angleterre réinventée, avec la ville de Mahingan Falls et le mont Wendy, que l'on peut situer quelque part entre Derry et Arkham, deux des plus célèbres agglomérations fictives de la littérature fantastique. D'ailleurs, il n'hésite pas à envoyer ses personnages sur les bords de la rivière Miskatonic pour visiter l'une des pensionnaires de l'asile psychiatrique d'Arkham, petit clin d'œil à l'Arkham Asylum de l'univers BD du Batman. Comme on le voit, le ton est donné, Maxime Chattam joue à fond la carte de l'hommage à ces maîtres de l'Horreur et du Fantastique que sont Lovecraft et King. Certains esprits chagrins reprocheront au romancier son manque d'originalité, mais il peut être fort amusant de tenter d'identifier les références plus ou moins cachées tout au long du récit, à travers les noms des différents protagonistes ou des lieux, les situations ou les intrigues.

Sans chercher à lister tous ces clins d'œil tout à fait volontaires de la part de l'auteur, on peut s'intéresser à ceux qui procurent un charme particulier à ce Signal. Ainsi, les lecteurs qui suivent de près la carrière de Maxime Chattam savent certainement que ce dernier a été touché par le virus de l'écriture après avoir lu "le Corps" de Stephen King, l'une des nouvelles du recueil Différentes saisons (1982 ↬ 1986). Dans ce texte, quatre gamins d'une douzaine d'années profitent des vacances d'été pour vivre diverses péripéties qui les feront définitivement quitter le monde de l'enfance. On retrouve ce même schéma avec la petite bande composée de Chad, Owen et leurs nouveaux amis Corey et Connor, qui s'aventure dans les bois autour de Mahingan Falls. Mais lorsque le quatuor affronte des forces surnaturelles prenant la forme d'un démoniaque épouvantail, on ne peut que penser au Club des Ratés de Ça (1986 ↬ 1988).

La passion avouée de Maxime Chattam pour Stephen King ne l'empêche pas de piocher quelques références dans l'univers littéraire de Lovecraft. Même si le romancier évite soigneusement le panthéon des dieux sombres du mythe de Cthulhu, c'est une bonne partie de la géographie des livres et nouvelles du solitaire de Providence qui apparaît à un moment ou à un autre dans le Signal. Le village de Dunwich, réputé pour son isolement et la consanguinité de ses habitants, comme l'Université Miskatonic, sont ainsi cités au fil des pages d'une histoire qui fait le lien entre l'obscurantisme passé des sorcières de Salem et l'orgueilleux futurisme de la haute technologie de l'OCP (pour OrlacherCom Provider et pas pour Omni Consumer Products de la saga RoboCop).

Si la menace que constituent les fantômes qui agressent la famille Spencer et les habitants de Mahingan Falls semble avoir une origine proche de celle des “zombies” de Cellulaire (2006 ↬ 2006), un livre aisément oubliable de Stephen King, on peut cependant y voir d'autres influences. En effet, le réalisateur japonais Kurosawa Kiyoshi a déjà imaginé, en 2000, comment la technologie moderne de l'internet peut faire surgir un péril d'outre-tombe, tandis que l'éphémère série télévisée Ghost wars de Simon Barry (2017-2018) présentait une petite ville isolée assaillie par des forces paranormales similaires. Les spectres qui hantent ces deux fictions se révèlent tout aussi terrifiants que les créatures inventées par H.P. Lovecraft et Stephen King dans leurs nouvelles et romans auxquels Maxime Chattam rend un vibrant hommage dans le Signal.

Au-delà du jeu des références, Maxime Chattam construit un récit prenant bourré de rebondissements qui doit se lire comme le divertissement qu'il est et doit être. Il y ajoute sa touche personnelle à travers le personnage de Tom Spencer, un auteur comme lui, et de son épouse Olivia, animatrice de télévision comme sa femme Faustine Bollaert, qui apportent une certaine authenticité aux relations de ce couple confronté au surnaturel.

Philippe Paygnard → Keep Watching the Skies!, nº 84, avril 2019

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