KWS : comptes rendus de lecture sur la Science-Fiction

Sophie Endelys : les Gardiennes du silence

roman de Science-Fiction, 2019

chronique par Noé Gaillard, 2020

par ailleurs :

Ce roman ne porte aucune information permettant de le rattacher au genre qui nous passionne, et ce n'est pas sa bien triste couverture qui risque de nous attirer sauf peut-être l'interrogation qui ouvre le texte de la quatrième de couverture : « Les livres ont-ils leur propre destin ? ». Vous avez noté la vraie fausse bonne idée. Mais l'intérêt pour le livre vous incite à lire plus avant.

Chloé, MacCurtis de son nom de jeune fille, s'est mal mariée contre l'avis de Viviane, sa tante, qui l'a élevée après le décès de ses parents — notamment de son père, auteur d'un seul livre devenu culte. Son mari Jeffrey est le responsable d'une société, Ratio-stat, qui collationne toutes les informations possibles et les classe, les organise. Elle la définit ainsi : « une société de rationalisation informatique, une sorte de gare de triage des savoirs. ». Chloé est archiviste bibliographe et scanne des livres. Un jour, elle découvre un palimpseste dans la cave de la maison dont elle a hérité. Pour pouvoir le lire, elle le scanne sous plusieurs angles. Son mari, avec qui elle entretient des rapports conflictuels, s'intéresse beaucoup à sa découverte. Excédée, elle lui tire dessus. Le croyant mort, elle s'enfuit en emportant beaucoup d'argent et se réfugie dans l'île de Heldenskon où son père est né et qu'il lui a fait promettre d'éviter. On lui vole son palimpseste mais, heureusement, le livre est sur une clé USB et elle commence à le lire. Il y est question d'un ouvrier de Gutenberg qui fuit les massacres de Mayence en 1462, sauve des encres et se remarie. Parce que l'idée lui semble bonne, il donne sa fille en épouse au seigneur de Heldenskon. Cette fille a une fille qu'elle voue à l'enfermement et aux livres. Depuis ce temps, on trouve des noyées la langue tranchée ou la bouche cousue dans les parages maritimes de l'île. On vole à Chloé sa clé USB, en laissant un cadavre de femme sans langue. Elle part enquêter dans le sud de l'île, là où son père a vécu.

Conservation et usage du savoir livresque par des sortes de prêtresses et de servantes (des “vestales”) vouées aux livres, une société souterraine, “ruche de tous les savoirs” — vous trouverez page 174 (aux Presses de la Cité) une présentation de son organigramme, dont le pendant moderne serait Ratio-stat et dont le but serait le pouvoir…

« Imaginons une société possédant le patrimoine intellectuel, le diffusant au travers de moteurs de recherche au gré de sa propre censure… Le tout assisté du recensement de millions de personnes au moyen d'algorithmes de diagnostic autorisant un pilotage stratégique de nos comportements. » explique Chloé à l'inspecteur-chef qui l'interroge.

C'est bien écrit. Je veux dire par là que même si l'on devine qui fait quoi, et éventuellement la fin avant d'y être, on prend plaisir à lire. Chloé est attachante. Et je pense que vous aurez plaisir à découvrir les paragraphes baptisés “Conversation d'étagères”, qui sont censées être tenues par des livres.

Noé Gaillard → Keep Watching the Skies!, nº 86, mars 2020

Une version sensiblement différente de cette chronique est parue sur le site Daily Passions!.

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