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Roger Bozzetto : écrits sur la Science-Fiction

La Science-Fiction explore les territoires de la création

Les hommes et les machines : extrapolations et transgressions

Première publication papier (à paraître) : Grenzen der Menschheit

C'est peut-être Sophocle qui, dans Antigone [1], a donné la meilleure approximation de l'image que se font d'eux-mêmes les hommes, en en vantant l'aspect de “merveille”, et en insistant sur leurs capacités à utiliser leur esprit, et à maîtriser leur destin — en se rendant maîtres de leur environnement. Sophocle s'en était tenu à magnifier la réalité de l'homme de son époque, il ne prenait pas en compte ses désirs et ses rêves visant au dépassement des bornes qui semblaient fixées à la “nature” humaine.

Par contre les mythes et les légendes donnent à voir, dès la nuit des temps, le fait que chacune des contraintes matérielles imposées à l'homme par la nature ont été transgressées dans le cadre d'une solution "romanesque" inventée. C'est ainsi que les mythes ont imaginé des scénarios où l'on voit des humains ou des dieux transmuter les métaux, agir et parler à distance, se déplacer dans les milieux qui sont normalement interdits comme l'air et l'eau, visiter les astres, devenir invisibles, ou acquérir l'immortalité. Or, tous ces rêves de transgression sont autant de programmes, que les hommes ont tenté de faire passer, au fil du temps, dans le domaine du possible, et souvent de réaliser. Certains demeurent à l'état de rêve, et relèvent donc du "romanesque", comme l'immortalité, ou comme l'ubiquité dérivant d'une machine dans "Le toucher à distance" de Guillaume Appolinaire D'autres encore, appuyés sur l'imagination technique occidentale, sur le développement présent ou extrapolé des diverses sciences ou technologies, vont permettre à la littérature de se donner libre cours et à la littérature de science-fiction (SF) de déployer ses effets.

La SF, qui se fonde sur un type spécifique d'imaginaire, va illustrer et/ou questionner les rapports ambigus que la civilisation occidentale, au premier chef, entretient avec les inventions de machines extrapolées ou imaginaires. Elle donne aussi à rêver (ou à cauchemarder) à propos de technologies aptes à modifier les individus, Elle permet d'imaginer des engins extraordinaires dont l'utilisation permet toutes sortes de transgressions de ces limites censées enclore et définir cette “nature” humaine. Ces récits de SF, avec les multiples inventions qu'ils imaginent — mécaniques, électroniques ou relevant de l'ingénierie biologique — reflètent l'homme occidental se mirant dans les différentes images de lui-même que lui renvoie la machine dans le monde qu'elle lui permet d'inventer.

Des mythes aux récits

C'est dans la mythologie grecque que l'articulation, entre le rêve enfantin de voler dans les airs et sa réalisation, a été “déplacée” du domaine des Dieux — pensons aux sandales ailées d'Hermès — vers l'inventivité mécanique, avec l'image du premier ingénieur, Dédale. C'est chez le philosophe Aristote que se situe, pour la première fois en Occident, l'idée que la machine pourrait remplacer les humains, même si c'est pour en nier la possibilité et justifier ainsi l'esclavage, au motif que les machines ne sont pas aptes à travailler d'elles-mêmes [2]. Les Grecs, de plus, ne se sont pas contentés d'imaginer que seuls les dieux, comme Hephaïstos, pouvaient créer et animer des statues, tels le géant Talos pour défendre la Crête, ou des servantes « toutes d'or mais semblables à de jeunes vivantes » pour le soutenir dans sa démarche [3]. Ces mêmes Grecs savaient en effet créer des automates se mouvant à l'aide de ressorts, de poids et de siphons. L'inventeur mythique en était Dédale, mais il en demeure comme exemples effectifs certaines “merveilles techniques” de Heron d'Alexandrie [4].

Le XVIIIe siècle occidental verra le succès de tels automates avec, entre autres, les inventions de Vaucanson [5]. Dans le sillage de la philosophie moderne initiée par Galilée, poursuivie par Descartes, La Mettrie théorisera une approche mécaniste de l'Homme, en rapport avec ces automates, les pendules de Huygens, et les premières expériences sur l'électricité [6]. Il importe donc pour saisir le basculement qui a lieu dans l'imaginaire dans les “temps modernes” de l'Occident, de différencier l'imagination délirante de “l'imagination scientifique”. Ce type nouveau d'imaginaire à base spéculative fondera l'espace d'une “science-fiction”, et posera sur des bases neuves le rapport de l'homme à la science, à la technologie et à ses artefacts, anthropomorphes ou non.

De l'imagination délirante [7] à l'imagination scientifique [8]

Ce qui, au XVIIe siècle encore, situe ces réflexions de type spéculatif dans l'ordre de la rêverie, c'est l'impossibilité au plan de la réalité technique, même si, au plan de l'imaginaire, un pas a été fait.

En effet, si l'on compare le voyage dans la Lune dans l'Histoire vraie (IIe siècle) de Lucien de Samosate et L'autre Monde ou les États et Empires de la Lune de Cyrano de Bergerac (1657), une différence énorme se fait jour. Lucien imagine simplement qu'un coup de vent entraîne son bateau vers l'astre des nuits : il s'agit là d'une métaphore à effet strictement ludique. Par contre Cyrano dans un premier vol “orbital” voyage de France au Canada en laissant simplement la Terre tourner sous lui, ainsi que Galilée l'avait soutenu. Il se remet ensuite en route vers la Lune à l'aide de moyens relevant d'applications de la technique (les aimants, les fusées etc.). L'imagination de Cyrano s'appuie sur un savoir qu'elle extrapole dans le cadre de récits, exploratoires de nouvelles possibilités offertes par l'émergence d'une pensée qui prend en compte le savoir scientifique. Et ceci même si l'utilisation de ce savoir demeure empreinte de relents ludiques, mais elle procure des effets d'émerveillement devant la mise en fiction d'une idée, alors neuve.

C'est dans une telle perspective que l'on pourra lire les romans de Jules Verne : des récits illustrant une pensée à peine anticipatrice, mais cette fois appuyée sur les réalités techniques, légèrement extrapolées. Et à partir de Herbert George Wells, la pensée spéculative qui dynamise ces récits sera fondée non plus sur les possibilités réelles de la technique, mais sur une véritable imagination scientifique, créant des effets d'émerveillement ou de terreur. On voit bien comment prend corps un effet de “pathos métaphysique”, c'est-à-dire un impact affectif affectant les découvertes intellectuelles et scientifiques, réelles ou imaginées [9]. Il en résulte des textes fondés sur le développement poétique et romanesque d'une notion à connotation scientifique. Chez Wells, cela porte sur l'évolutionnisme — car l'œuvre de Darwin est controversée, et ses hypothèses sont alors une idée toute neuve. On peut le montrer à partir de deux exemples.

Dans The Island of Dr Moreau (1896) Wells, en miroir avec les théories évolutionnistes, invente la figure du biologiste démiurge, comme “passage à la limite”. Celui-ci veut accélérer le passage des races animales à l'homme, par une ingénierie biologique primaire : des actes chirurgicaux, une utilisation de l'hypnopédie, et la contrainte de la Loi. Le docteur Moreau se présente néanmoins en nouveau Moïse d'une tribu humaine à venir. Certes l'imagination n'avait pas attendu pour imaginer des races mi-humaines mi-animales. Lucien, dans l'Histoire vraie imagine sur la Lune des races humaines qui divergent de la nôtre : des Luniens qui se reproduisent par germination, portent les enfants dans le mollet, et dont les parties viriles sont amovibles. Il en va de même des hommes-animaux que peint Restif de la Bretonne dans La Découverte Australe (1781) Mais il s'agissait là de créatures nées d'une imagination “délirante”, alors que la création des “humanimaux” de The Island of Dr Moreau est “crédibilisée” par un “possible” de la science — au moins le temps, comme le suggère Coleridge — d'une suspension of disbelief.

Il en va de même de l'idée de voyage dans le temps, justifié par une symétrie entre le passé et le futur. Le texte de Wells, the Time machine (1895) une fois posées les prémisses d'une possibilité de voyage temporel, en explore les virtualités au plan de l'humanité et de son destin. Il articule la division de l'humanité de la Grande Bretagne de son époque en classes sociales selon un schéma simpliste travailleurs/exploiteurs, à une théorie évolutionniste. Il en arrive à la peinture, dans un avenir très lointain, de deux races — les préraphaéli(s)tes et végétariens Eloïs, et les animalisés Morlocks. Ils descendent des anciennes classes britanniques, mais se situent dans des rapports modifiés de dépendance et d'exploitation.

C'est là l'une des premières extrapolations, dans le domaine de la SF, d'une possible modification “naturelle” de la race humaine, articulée à une dimension politique ou sociologique.

Notons aussi, ce qui est l'une des caractéristiques du fameux sense of wonder particulier à l'émotion engendrée par le pathos métaphysique dans les textes de SF, qu'il se nourrit aussi bien d'émerveillement que de craintes envers le futur, où ce qui est imaginé est censé pouvoir se produire. Sur ces bases, qui précisent quel est le type d'imagination mis en œuvre dans la littérature de science-fiction, nous allons envisager diverses illustrations qu'elle propose concernant les rapports de l'homme et de ses artefacts. Cela nous permettra de mieux cerner les questionnements que cela implique quant aux rapports des hommes à la technologie, à notre époque, où il semble que celle-ci soit perçue comme l'un des moteurs les plus puissants de l'évolution sociale, et avec ce que cela suppose de pressions sur le domaine du psychisme.

L'univers technologique et la littérature

Le XVIIIe siècle a initié, en Occident, le développement de la société par l'industrialisation, c'est-à-dire qu'il a entamé la fin de l'univers mental et social né au néolithique. Mais l'imagination scientifique n'y avait pas encore trouvé ses marques. Il faudra attendre 1818 et Frankenstein or the modern Prometheus pour qu'un imaginaire moderne appuyé sur une technologie vraisemblable voie le jour. Pour la première fois un savant est promu au rôle de démiurge, que d'ailleurs lui reconnaît la créature sans nom : « I ought to be thy Adam » (ch. 10). Cet ouvrage séminal, où les critiques anglo-saxons voient la première œuvre de science-fiction porte de manière pertinente et suggestive sur une re-création de l'homme, signalant ainsi l'advenue de l'ère post-néolithique [10]. Après le Prométhée “plasticator”, créateur des hommes dans le monde des dieux olympiens, le “nouveau Prométhée” est un humain et un savant. Même si, à lire le texte, l'ironie romantique portant sur l'adjectif "moderne" n'échappe à personne, le texte met néanmoins en place une thématique originale. Elle signale une prise en main de son destin par l'humanité, à l'aide des fruits de l'arbre de la science. Cet aspect introduit une ébauche de réflexion sur le couple qui se forme entre l'homme et ses inventions. Ce couple sera d'abord présenté sous un angle lyrique, avec certains textes de Jules Verne, chantre de la nouvelle puissance donnée à l'homme. Cependant, et chez ce même auteur — que l'on songe à la fin de l'Île mystérieuse (1873-74) — la nécessité de détruire la merveille s'impose, tout comme le suicide de la créature du docteur Frankenstein.

À partir des années 1930 environ, le nombre des récits qui s'inscrivent dans l'espace imaginaire dessiné par Edgar Poe, Jules Verne, et Herbert George Wells, grâce à une multitude de revues — les pulps — est impressionnant [11]. L'exploration de cet imaginaire se perpétue jusqu'à nos jours dans le cadre de nouvelles et de romans — sans compter les divers médias, dont le cinéma. Au point que l'on peut considérer qu'il s'agit là d'un espace quasi autonome de la fiction, qui ne cesse de croître et de se diversifier, tout en interrogeant, de diverses manières le rapport de l'homme occidental à son univers technologique.

En effet, la science-fiction exploite, plus que les images de la science ou les réussites techniques, l'idéologie technico-scientiste présentée comme un allant de soi. Or comme le soutient Tobie Nathan, il s'agit d' :

« Un phénomène spécifique à la société occidentale moderne : la science fabrique de l'idéologie » [12].

C'est dans ce cadre qu'il s'agit de saisir les fantasmes et les rêves que la science et la technique ont permis à la SF d'engendrer.

Rêves et fantasmes autour de la science et de la technique

On considérera, de façon heuristique, l'ensemble des textes de SF comme un seul discours tenu par ce “genre littéraire” sur l'univers technologique — en tenant pour acquis que cet univers a des implications importantes au niveau du politique.

Comme le signalait déjà Guy Lardreau dans son ouvrage Fictions philosophiques et science-fiction (1988) [13], une littérature d'imagination à base de spéculations appuyées sur la présence de la science, des techniques et de leurs implications sociales éventuelles, sans aller jusqu'à anticiper des résultats, peut très bien questionner sérieusement les concepts et les apories de la philosophie. De ce point de vue, les figures des diverses sortes d'artefacts, anthropomorphes ou non, quels qu'en soient les noms et les formes, forment une merveilleuse base sur quoi une riche réflexion peut, et devrait, s'appuyer.

On s'intéressera à ce discours sous deux aspects, à par le biais de deux figures qui interpellent l'image que se fait l'homme de lui même, dans son présent et ses possibles futurs : la machine en général, le robot et l'androïde en particulier.

Le mot "robot" est employé pour la première fois par l'écrivain tchèque Karel Čapek dans sa pièce de théâtre RUR — Les Robots Universels de Rossum (1921). Il dépeint des “ouvriers artificiels” produits par milliers par un conglomérat, celui de Rossum, et utilisés comme travailleurs pour des besognes de tout ordre, qu'ils exécutent sans bénéficier du moindre droit. Ils finissent par se révolter contre leurs créateurs, qui d'ailleurs sont en voie d'extinction. Ces androïdes bâtiront peut-être un nouveau type de société, le dernier humain (un savant) envoie un couple de ces robots hors de la scène avec ces mots qui sonnent comme un remake de la Genèse : « Va Adam ; va Ève, tu seras sa femme ». En effet, malgré leur nom de "robot", et à la différence de leurs homologues de la science-fiction anglo-saxonne de l'époque, ce sont des androïdes. Ils sont extérieurement semblables à des humains, mais conçus industriellement. Cette ressemblance extrême posera d'ailleurs problème dans les cas où l'on cherche à les retrouver parmi une foule humaine. Cela sera très bien illustré dans le film Blade Runner (1982) adapté du roman de Philip K. Dick Do androÏds dream of electric sheep ? (1968)

Quant aux robots issus directement de la SF populaire, ils apparaissent d'abord sur les couvertures des pulps comme des êtres anthropomorphes certes, mais construits en acier inoxydable — comme le sont encore les robots de Star Wars (1977) [14]. Ils sont, dans ces pulps, en général présentés comme des quasi-objets au service des humains. Selon Pierre Versins cependant, c'est en 1935 que nous est dépeinte la première société utilisant des robots dans un texte "Les hommes de l'an 20 000" [15] Curieusement nommés les "slavoks", ces automates font directement allusion aux “robots” de l'écrivain tchèque, en jouant sur la paronymie Slave/esclave. Ce sont, disent les humains du futur :

« Des domestiques, nos travailleurs manuels. On les charge de toutes les besognes grossières ou dangereuses »

Avec Isaac Asimov, le cadre d'une loi générale s'impose aux histoires de robots. "Robbie" [16], première histoire de ce genre, paraît en 1940 dans Super Science Stories. Ce récit inaugure une longue série où Asimov, après avoir posé l'existence des trois lois de la robotique, tente de trouver des situations limites, paradoxales, où elles sont en apparence prises en défaut par les robots, mais où la solution trouvée à chaque fois par Asimov montre qu'il n'en est rien [17].

L'apport d'Asimov est intéressant. Avec lui le robot se trouve pourvu d'une source d'énergie atomique, et d'un cerveau “positronique” programmé, mais avec une liberté d'initiatives dans le cadre des trois lois. Il peut être anthropomorphe ou non, et la présence des trois lois, comme ses capacités de choix laissent entrevoir la naissance d'une conscience de type humain chez ces “robots”, ce qui problématise leur statut de “quasi-objet”.

Robots et androïdes tous usages

La figure du robot, va devenir le moyen, pour la SF, d'inventer des conflits — et donc d'engendrer des récits — entre la logique d'une programmation pour des tâches précises et une liberté de choix pour la machine, qui soit autre qu'aléatoire. En somme le “cerveau électronique” est un moyen pour revisiter nombre de thèmes de la littérature antérieure. On y pourra lire des récits où ils servent à illustrer divers thèmes.

— L'exploitation des masses :

B.R. Bruss dans Terre siècle 24 (1959) nous montre des Cerels (cerveaux électroniques) prêts à se révolter si les hommes n'allègent pas leur charge de travail. On rejoint par le biais de l'exploitation, les thèmes renvoyant à la révolte des machines, métaphore des révoltes d'esclaves, d'ouvriers et ici, de cadres.

— La saturation du psychanalyste :

Asimov dans "All The troubles of the World" (1958) met en scène Multivac, l'ordinateur « central et unique de la Terre » (sic). Il est non seulement prié de gérer et de réguler les affaires matérielles, mais est aussi le grand confesseur, le grand psychologue. On lui demande de régler les problèmes personnels de chacun. Bien évidemment il tombe dans une sorte de “dépression nerveuse”. Plutôt que de continuer d'être en service il avoue : « Je préfère mourir ».

— Les conflits d'intérêt :

Comme souvent, les conflits qui engendrent les récits chez Asimov sont le résultat d'interférences entre des domaines qui, pour un humain vont de soi, mais sont hors de son champ pour un ordinateur, ou un robot. Tous les récits d'Asimov dérivent de problèmes posés dans la perspective d'un l'anthropocentrisme, ce qui permet de donner à réfléchir sur les solutions romanesques trouvées. En fait, cela n'a rien à voir avec ce qu'est un robot, ou un ordinateur, dans la réalité. Ces “robots” sont des “objets prétextes” pour présenter des paradoxes moraux bien connus, sous des habits neufs. On notera, d'ailleurs, que les fameuses trois lois de la robotique ont un aspect qui par certains côtés renvoient moins au Décalogue qu'au code qui régissait les esclaves. L'utilisation des robots permet une sorte de “passage à la limite”, et un “effet de loupe”, qui rend mieux lisibles, car pris sous un autre angle, certaines situations où se trouvent mis en scène des groupes humains, et de saisir les présupposés idéologiques qui y sont à l'œuvre [18].

La SF a aussi abordé par ce biais trois types de relations sentimentales qu'un (e) humain (e) et un (e) androïde peuvent entretenir. Voyons d'abord les jeux érotiques que dépeint Alain Dorémieux dans le jeu de mots qui constitue le titre de sa nouvelle "La femme modèle" (1967) puis le traitement comique et léger de la situation dans "Androïde tous usages" (1967). Et enfin, un autre, plus “romantique”, qui se trouve illustré par Lester Del Rey dans "Helen O'Loy" (1938).

"La femme modèle" débute comme une parodie de L'Ève Future (1886). Un amoureux non payé de retour commande à un roboticien un simulacre parfait de l'objet de son amour avec la différence que cette androïde sera amoureuse de lui. Mais elle est trop, et trop souvent, amoureuse de lui, ce qui devient, pour lui, monotone, et elle lui devient insupportable. Il en vient à la battre, et même à la tuer. Mais l'artiste roboticien a reçu commande du modèle, et il en fabrique industriellement. L'amoureux meurtrier voit maintenant surgir de tous côtés l'image de celle qu'il a détruite.

Dans le même genre léger on trouvera "Androïde tous usages". Une femme gardienne d'un “phare spatial” (?) se voit livrer un partenaire androïde — qu'elle peut programmer selon ses disponibilités et ses envies en joueur d'échec, parfait domestique ou gracieux amant. Dans tous les cas elle peut déprogrammer l'androïde, ou en changer la programmation en appuyant sur un bouton. Après une nuit de rêve, elle tente de déprogrammer l'amant infatigable, mais ne trouve plus le bouton de programmation. L'amant reprend tout — mécaniquement — depuis le début (sic) !

"Helen O'Loy" en revanche illustre un rêve de célibataire étasunien dans les années 1940. Deux amis Phil et Dave, qui éprouvent diverses déconvenues avec leurs amies de chair, deux jumelles, passent commande d'un nouveau modèle, qui outre les aspects domestiques serait aussi livrée avec « un assortiment de bobines mémorielles », et où les émotions humaines seront présentes, au point que la robote peut « simuler n'importe quelle action humaine ». Elle peut aussi nourrir ses circuits mémoriels par des films et des lectures, ce qu'elle fait en lisant le journal intime écrit dans son adolescence par l'un des deux amis, et en regardant des sitcoms sentimentales à la télévision. Elle tombe donc amoureuse de Dave, qui après bien des esquives et des refus finit par avouer qu'il l'aime aussi. Ils passeront ensemble de nombreuses années heureuses. À la mort de Dave, Helen se suicide (sic) et se fait enterrer auprès de Dave. Phil est demeuré célibataire car « il n'y avait qu'une seule Helen O'Loy ». Comme le signale Annie Amartin, « le mythe de la femme idéale devient réalité, et ce, grâce à une robote » (p. 268) [19]. Ce que tentera d'illustrer de façon critique Ira Levin dans the Stepford wives (1972).

Stanisław Lem, auteur polonais, utilise les robots dans des histoires assez différentes, réunies en France dans le Bréviaire des robots (1967). Délaissant les marivaudages, il s'intéresse plutôt à la dimension philosophique et/ou métaphysique, au sens que les robots, survivant à la race humaine, trouvent à leur présence en ce monde, et sur l'existence ou non de leur possible créateur.

Une autre dimension a été explorée, celle de la symbiose entre l'humain et la machine. Une illustration primitive est illustrée dans le roman de Kurt Siodmack Donovan's brain (1943), où un cerveau, gardé dans une solution saline appropriée, continue par d'obscurs moyens à diriger une société industrielle. La SF s'est intéressée à ce thème, en inventant le cyborg, être à la fois cybernétique et organique. On en a vu un exemple au cinéma dans le film Robocop (1987).

Une autre visée, dans la thématique du robot peut cibler le danger de laisser les civilisations humaines céder à la facilité et au confort. Dans the Humanoïds (1948) Jack Williamson, renchérissant sur la première loi asimovienne, finit par contraindre, par robots interposés, toute l'humanité au repos. Voulant préserver l'homme de tout danger, ils interdisent en effet toute démarche qui comporterait un risque, même virtuel. Se promener suppose la possibilité d'être renversé par une auto, ou de glisser dans une flaque etc., d'où la nécessité d'éviter ces risques en ne bougeant plus de chez soi, les robots assurant tous les services. L'avertissement demeure.

De nouveaux territoires

Outre les récits liés à l'anthropocentrisme, aux métaphores métaphysiques ou à l'aspect moralisateur que l'on vient de voir, la thématique du robot permet une exploration des rapports entre l'homme et la machine sous des angles originaux.

En effet, les objets les plus usuels peuvent aussi être pourvus de “réflexes humains” dans un univers ultralibéral. Dans Ubik (1969), par exemple, la porte du réfrigérateur de Joe Chip refuse de s'ouvrir s'il ne la paye pas. De plus elle menace de le poursuivre en justice. Il ne s'agit pas ici d'une forme anthropomorphe (un robot asimovien) mais d'un objet en colère, ce qui change les perspectives. En effet, c'est maintenant l'objet qui se met à empiéter, sous sa forme d'objet, dans le “territoire humain”. Un tel renversement est plus impressionnant que le thème de l'ordinateur devenu fou et sadique, torturant les humains qui restent dans "I have no mouth, and I must scream" d'Harlan Ellison (1968)

Le développement des ordinateurs, et la miniaturisation de leurs composants qui était à peine effleurée — et pour cause vue la date — dans le courant dit “cyberpunk”, offre donc des pistes assez fascinantes : l'image ancienne du robot se dissout dans l'universalisation de sa présence au sein du quotidien.

On peut voir néanmoins chez ces écrivains “cyberpunks” les fantasmes concernant l'utilisation d'individus comme “facteurs”, à la manière dont les loas du Vaudou se servent des humains comme “cheval”. Ils servent ainsi de supports à des mémoires et — nouveaux pigeons voyageurs — transmettent des informations, sous forme d'implant ou de greffe que seul les envoyeurs ou les receveurs peuvent activer. On en voit un exemple dans "Johnny mnémonic" extrait de Burning Chrome de William Gibson (1986)

On peut aussi y trouver comme dans Neuromancer (1984), la possibilité de brancher directement le système nerveux sur l'ordinateur, afin de permettre aux manipulateurs informatiques de visualiser, sur les individus “porteurs” des données et des programmes. Avec des questions neuves du type : que devient dans ce système un hacker, un pirate informatique ? Comment va s'articuler l'univers intérieur d'un “porteur d'information” avec l'univers des drogues ? Quel type d'univers intérieur cela va-t-il induire ? Et qu'est-ce que cela implique dans le monde représenté, qui est un futur proche où la mafia internationalisée et l'hypertechnologie sont aussi imbriquées que les univers artificiels de la drogue et ceux de l'informatique ? Un trip, alors, cela peut être aussi bien un voyage avec une drogue qu'à l'intérieur d'un univers induit par un logiciel.

Ailleurs, le voyage peut être d'autant plus agréable (aliénant ?) qu'on le couplera avec de la musique au lieu de drogue. Cet appareillage permettra, par le biais de “résilles” et par une sorte d'empathie artificiellement produite, de vivre d'autres vies sur des modèles synthétiques comme Norman Spinrad l'imagine dans Rock Machine (1989).

On trouve aussi dans Blood Music de Greg Bear (1985) la possibilité de brancher en direct des puces sur les cellules, pour inventer des bio-chips, créant de nouvelles entités dont chacune devient un petit ordinateur, mais qui est aussi vivante : un nouveau “micro-organisme” si on peut oser ce jeu de mot. Bio-chip ou nanomachine, qui prend le contrôle d'un individu d'abord, puis d'autres, créant une sorte d'épidémie d'un genre nouveau où l'humanité frôle sa perte.

Greg Bear a aussi imaginé dans Éon (1988) l'utilisation de programmes d'ordinateur couplés à des images d'hologrammes. L'on peut ainsi, en “pictant” sur des icônes que l'on porte sur soi comme des tatouages, activer le tout de façon à obtenir soit de nouveaux environnements visibles par tous, et/ou appropriés à tel ou tel moment de sa vie spirituelle ou sentimentale. On peut, aussi, se servir de ces “pictes” pour communiquer beaucoup plus rapidement, entre deux individus saisis dans ce réseau. On y exploite la possibilité d'utiliser des implants de mémoire additionnelle, avec logiciels intégrés pour le traitement de données, le tout greffé dans le cerveau humain, comme des disques durs annexes d'un ordinateur. On le voit, les “limites” posées par la “nature” à l'espèce humaine deviennent objets de transgressions multiples. Il en va de même de l'identité.

Identité et authenticité

Ces possibilités informatiques, encore imaginaires, rejoignent le problème du clonage [20], en ce qu'elles questionnent le problème central de l'identité et de l'authenticité. On sait comment Aldous Huxley dans Brave New World (1932) posait le problème au plan sociologique, en en situant l'advenue possible dans un avenir lointain. Ce problème se pose aujourd'hui de façon plus pressante devant les récentes avancées techniques, à la fois en informatique et en biologie.

La réflexion philosophique, et donc intemporelle, sur l'identité, remonte au moins aux Grecs. Mais elle est aujourd'hui rattrapée par l'actualité. Au point que, laissant la philosophie tourner en rond, ce sont peut-être les inventions de la SF qui permettent d'aborder de façon “concrète” le problème. Avec l'histoire du navire Argo, dont les argonautes remplacèrent chaque planche et chaque voile, la question qui se posait était celle-ci : puisqu'on avait tout changé, était-ce toujours le même navire Argo ? Pour un vaisseau, la question du nom demeure abstraite, ludique, bien que pertinente, mais lorsqu'il est question d'un humain ? Est-il toujours lui-même, s'il ne demeure de lui que le cerveau, comme on le voit dans Donovan's brain ? Et, par corollaire, jusqu'où peut-on réduire un humain à un amas de gènes dans une éprouvette, ou sur un support électronique, puisque dans ses avancées la science biologique actuelle utilise conjointement les ressources de la chimie moléculaire, de la microphysique et de l'informatique ?

C'est à un questionnement de ce genre que Greg Egan répond à sa manière dans Permutation City. (1994)

On trouve dans ce roman une utilisation du clonage qui anticipe de loin ce que l'on trouve aujourd'hui dans l'univers des media. Les créateurs d'images sur le Web ont en effet imaginé des “clones”, pour animer les réponses éventuelles qu'ils donnent, et les images qu'ils commentent. Certes, il s'agit d'un simple clonage électronique d'images, non biologique, et ne renvoyant pas à une numérisation d'individu. Egan avait anticipé et complexifié, dès 1994 cette question.

Dans un futur proche, en 2045-2050, quelques nababs trouvent un moyen de survivre par le moyen de copies informatiques de leur esprit comme des “alias”. Ils sont devenus des clones électroniques d'eux-mêmes, ils se sont fait numériser. Ils vivent aussi par ces copies corporelles dans des simulations d'univers, où ils ont une vie sociale et une intimité. Ces copies se rencontrent et discutent éventuellement d'affaire, comme le montre le chapitre 2 du roman.

Permutation City commence par l'éveil, qui semble normal, d'un personnage qui, peu à peu, prend conscience qu'il est un “alias”. Il se met en quête de son original, afin que celui-ci le fasse sortir de son état de simple avatar. Son original lui a laissé un message lors de la numérisation, « à lire en cas d'urgence », où il le condamne à demeurer tel. Ce qui s'explique car l'original est vivant et conduit des recherches sur la numérisation et sur la possibilité de créer des copies immortelles. Le lecteur se trouve devant une lettre adressée par Paul 1 à Paul 2, une lettre qui est écrite à la première personne et s'adresse à une copie de lui-même qu'il tutoie. Le Paul 2, Lecteur, s'exprime ainsi « Comment ai-je pu être aussi insensible ».

Question : qui est le “Je” qui parle alors ? Qui est celui qui traite l'autre “moi” de “salaud” ? Tous deux se retrouvent quand même, chacun dans son espace, prêts à collaborer, sur un pied d'égalité, bien que des sujets de confrontation demeurent, qui se manifestent dans de curieux dialogues.

On assiste dans ce roman à une curieuse hybridation entre l'univers de la biologie et celui d'un cybermonde. Et le roman explique la genèse de cette hybridation par les conditions de l'invention des copies numérisées (ch. 3). Elles seraient nées lors de la conception de corps virtuels, inventés pour à la recherche de modèles afin de tester des médicaments et de voir comment ils réagiraient sur des organes dont on avait programmé le fonctionnement. De là à fabriquer des logiciels physiologiques et à tenter des copies d'individus, en fonction de la capacité des instruments inventés, ce premier pas est présenté comme franchi.

Un problème concernant les clones est cependant posé ici comme résolu : la copie électronique, par la numérisation, enregistre la mémoire, le contenu émotionnel et intellectuel de l'original. Par contre un clonage biologique n'a pas pour résultat de recréer un adulte, mais un embryon, qui deviendra un enfant, avec certes le même patrimoine génétique que l'original, mais avec un esprit vierge. Et l'on se souvient, que la créature de Frankenstein, au corps adulte mais au cerveau de bébé, abandonnée par son créateur, avait dû refaire à sa manière tout le chemin qui avait conduit les hommes d'avant la découverte du feu jusqu'à la lecture des philosophes du XVIIIe siècle. Pour les besoins du récit, Mary Shelley lui avait fait franchir les étapes en un temps record, ce qui n'est pas le cas pour les clones biologiques “normaux”. On peut aussi se poser la même question devant le clone de Ripley dans Alien 4 — La résurrection (1997). Le film nous fait entrevoir la salle où divers clones possibles de Ripley sont en maturation, mais rien ne nous est dit à propos de la mémoire qu'elle semble avoir récupérée en même temps que son nouveau corps.

De l'univers des machines à celui du “studio réalité”  [21]

Si Greg Egan est celui qui a été le plus loin dans cette interrogation que permettent les machines — le hardware — et les logiciels actuels, sur la création de “clones virtuels”, c'est sans doute Philip K. Dick qui le premier de façon systématique a été intéressé par ce problème qui touche à la fois à l'identité et à la réalité.

L'identité individuelle comme leurre, il l'aborde de façon dans "The Father-Thing" (1954) : un extra terrestre a pris les traits du père de l'enfant. Ou dans "The Electric Ant" (1969) : lors d'un accident un individu se rend compte qu'il est un androïde, car au lieu de veines dans sa blessure, il ne voit que des câbles. L'utilisation politique du thème — à savoir que les politiciens sont de simples masques, comme des marionnettes et manipulés par des “joueurs” — se retrouve dans son roman the Simulacra (1964). Quant au questionnement sur “réalité de la réalité” et non sur ses duplicatas, il est utilisé par exemple dans "Explorers we" (1959) où les objets humains sont remplacés par des copies voraces qui avalent les Terriens.

Cette interrogation sur la réalité de la réalité, et les limites de la représentation que l'on peut avoir à ce sujet, rejoint les questions que l'on peut se poser à propose de la distinction impossible de l'original et de sa copie, du clonant et du cloné, de la réalité et du virtuel. Puisque les avancées technologiques sont capables de créer des environnements virtuels, parfaits clones des originaux, comment distinguerons-nous les uns des autres ?

James Ballard, dans la préface de Crash (1973) avançait l'idée que nous ne vivions plus dans des paysages naturels, auxquels nos ancêtres s'adaptaient, mais dans des “paysages technologiques”, qui sont les concrétisations de nos rêves — ou de nos cauchemars. Il pensait alors que ces paysages technologiques se distinguaient des paysages naturels.

Ce qu'il n'avait pas imaginé, c'est que le développement rapide des techniques ferait doublonner ces paysages, aussi bien les naturels que les technologiques, et que nous serions de plus en plus dans la quasi impossibilité de savoir où nous sommes, si nous parlons à des humains ou à leurs clones — électroniques et/ou biologiques, et donc en fait nous pousserait à interroger ce que nous sommes : des humains originaux ou des copies.

C'est cet aspect que les cinéastes ont privilégié récemment, avec des films comme Dark City (1997) ou Matrix (1999). Dans les deux films, pour des raisons différentes mais dont le résultat est identique, la réalité est manipulée. Dans Dark City, par exemple, les souvenirs de chacun sont modifiés pendant le sommeil, les environnements sont modifiés, les humains sont placés, sans le savoir, dans un lieu artificiel et se révèlent cobayes d'expériences menées à leur insu, dans un “paysage technologique” adéquat.

En somme, on est passé de l'utilisation de la machine dans un monde existant à la recréation d'univers originaux qui articulent à l'humain, l'électronique le biologique et le mécanique. Le résultat en est la création de mondes dont l'homme est bien le centre, certes, mais il l'est à la manière dont le logiciel est le cœur de l'ordinateur. On assiste donc dans ces textes à un “déplacement” de l'humain. Le centre, qu'il occupe encore, est vide, aussi vide que la métaphysique qui en sous-tend les prétentions, car la Science, ersatz d'une divinité, ne répond pas au désir de sens qui avait justifié sa quête.

En ceci il semble que la sensation de ce vide se démarque d'une vision occidentale du moi qui se voulait « maître et possesseur de la nature » (Descartes) pour, curieusement, flirter avec une approche bouddhiste, où le “je” autonome et stable est un mirage.

Cependant, là où le bouddhisme s'appuie sur cette représentation du vide afin de vivre ainsi une absence de désir, engendrant une absence au monde, la perte éventuelle de leur identité d'homme est vécue par les personnages occidentaux de ces récits comme une mutilation, une blessure narcissique terrible.

Ces récits présentent l'homme occidental. Il a sécrété, par son désir de maîtrise sur l'univers, des environnements technologiques, où la machine, au cerveau capable d'agir selon de complexes algorithmes devient le seul interlocuteur fiable. Les humains, dans ces contextes digitaux, apparaissent aussi comme des machines, mais bien plus fragiles que celles qu'ils ont conçues. De plus, ils posent d'autres problèmes que de simple maintenance, avec des désirs imprévisibles et des comportements aberrants. Rien d'étonnant à ce que se lise en filigrane dans certains récits la recherche d'une société idéale, où des intelligences artificielles (IA) géreraient avec efficacité l'ensemble des problèmes touchant à la vie des humains. Quitte à les normaliser.

Les récits de SF sont des psychés que la société occidentale s'offre, afin de tenter de s'y mirer, mais en général, sans oser s'y reconnaître, tel Caliban incapable de saisir son image dans le miroir (Wilde. 1891)

Bibliographie des textes cités

Brian W. Aldiss : Billion Year Spree : The True History of Science Fiction. Londres : Eidenfeld & Nicholson, 1973.

Annie Amartin-Sérin : la Création défiée — l'Homme fabriqué dans la littérature. PUF, 1996.

Guillaume Appolinaire : "le Toucher à distance". In : l'Hérésiarque et société. Apud Œuvres en Prose, tome II. Paris : Gallimard, 1991 (Pléiade).

Aristote : la Politique.

Isaac Asimov : "Robbie". In : I, Robot. Gnome, 1950.

_____ : "All the troubles of the world". In : Super Science fiction, avril 1958.

J.G. Ballard : Crash. Londres : Jonathan Cape, 1973.

Greg Bear : la Musique de sang. Paris : la Découverte, 1985.

_____ : Éon. Paris : Robert Laffont, 1989.

Jean-Jacques Bridenne : la Littérature française d'imagination scientifique. Dassonville, 1950.

Jean Brun : le Rêve et la machine. Paris : la Table ronde, 1992.

B.R. Bruss : Terre, siècle 24. Paris : Fleuve noir, 1959.

William S. Burroughs : Nova express. Paris : Bourgois, 1970.

Karel Čapek : RUR — Les Robots Universels de Rossum.1921.

Savinien de Cyrano de Bergerac : l'Autre Monde ou les États et empires de la Lune. 1657.

Lester Del Rey, "Helen A'lliage". 1938.

Philip K. Dick : Do androids dream of electric sheep? New York : Doubleday, 1968.

_____ : the Simulacra. New York : Ace, 1964.

_____ : Ubik. New York : Doubleday, 1969.

_____ : "The father-thing" in the Magazine of fantasy and science fiction, décembre 1954.

_____ : "The electric ant". In the Magazine of fantasy and science fiction, octobre 1969.

Alain Dorémieux : "la Femme modèle". In les Mondes interdits. Paris: Éric Losfeld, 1967.

Greg Egan : Permutation city. Londres : Millennium, 1994.

Harlan Ellison : "I have no mouth and I must scream". In : If, 1967.

William Gibson : Neuromancien. Paris : la Découverte, 1987.

_____ : Gravé sur Chrome. Paris : la Découverte, 1987.

Jürgen Habermas : la Technique et la science comme idéologie. Paris : Gallimard, 1973.

Heron d'Alexandrie : "les Pneumatiques". In : la Science des philosophes et l'art des thaumaturges dans l'Antiquité. réédition. Paris : l'Escalier de feu, 1977. Cité par Jean Brun, op. cit.

M. Hillelet & C. Henry : Au nom de la race. Paris : Fayard, 1975.

Aldous Huxley : Brave New World. 1932

Julien Offray de La Mettrie : l'Homme machine (1748). réédition. Paris : Bossart, 1921

Guy Lardreau : Fictions philosophiques et Science-Fiction. Arles : Actes Sud, 1988.

Claude Legrand : "Androïde tous usages". In : Fiction, nº 159, 1967

Stanisław Lem : Le bréviaire des robots. Denoël, 1967.

Ira Levin : the Stepford wives. 1972

Lucien Liaigre : Vaucanson Mécanicien de génie. Paris : PUF, 1966.

Lucien de Samosate : Histoire vraie.

Tobie Nathan : l'Influence qui guérit. Paris : Odile Jacob, 2001.

Restif de La Bretonne : la Découverte australe par un homme volant ou le Dédale français. 1781

Mary Shelley : Frankenstein or the Modern Prometheus. 1818

Kurt Siodmak : Donovan's brain. 1943

Sophocle : Antigone.

Norman Spinrad : Rock machine. Paris : Robert Laffont, 1989.

Rita Stajano : "Attraverso il fantastico ed oltre" : Le toucher à distance de Guillaume Appolinaire. In : Sulla Soglia, questione di limitalità in letteratura. Sous la responsabilité de Paola Cobbibo. Rome : il Calono, 1993, p. 127-153

Hélène Tuzet : Cosmos et imagination. Paris : Corti, 1965.

Jules Verne : l'Île mystérieuse. 1873-74

Pierre Versins : Encyclopédie de l'utopie, des voyages extraordinaires et de la science fiction. Lausanne : l'Âge d'homme, 1972.

Villiers De L'Isle Adam : l'Ève future. 1886

H.G. Wells : the Time machine (1895) ; the Island of Dr. Moreau (1896).

Oscar Wilde : the Picture of Dorian Gray (fin de la préface). 1891

Jack Williamson ; the Humanoids. 1947.

Films cités ordre chronologique

Forbidden Planet, Fred McLeod Wilcox. 1956.

Blade Runner, Ridley Scott. 1982.

La Guerre des étoiles, George Lucas. 1977.

Robocop, Paul Verhoeven. 1987.

Alien 4, Jean-Pierre Jeunet. 1995.

Dark City, Alkex Proyas. 1997.

Matrix, Andy et Larry Wachowski. 1999.

Échantillon de quelques textes qui s'intéressent à la machine et aux artefacts en liaison avec ses aspects sociaux. Ordre chronologique

W. Skyvington : Machina sapiens — Essai sur l'intelligence artificielle. Paris : le Seuil, 1976.

Philippe Breton : À l'image de l'homme — Du Golem aux créatures virtuelles. Paris : le Seuil, 1995.

Ray KurtzweilURTZWEIL  : the Age of spiritual machines — When computers exceeded human intelligence. New York : Viking, 1998.

Daniel Crevier : À la recherche de l'intelligence artificielle. Paris : Champs Flammarion, 1999.

Daniel Laforest : un Fantôme dans la machine — Questionnement sur la déshumanisation postmoderne en lien avec le thème de la machine. Laval (Canada) : Université de Laval, 2000.

Despina Kakoudi : the Human machine — Artificial people and emerging technologies. Berkeley University of California, 2000.

Notes

1] Sophocle : Antigone.

« il est bien des merveilles en ce monde, il n'en est pas de plus grande que l'homme… » v. 232-250

[2] Aristote : Politique.

« Si chaque instrument pouvait par ordre ou par pressentiment accomplir son œuvre propre… si les navettes tissaient d'elles-mêmes, et les plectres jouaient de la cithare, alors les maîtres d'œuvre n'auraient nul besoin de manœuvres, ni les maîtres d'esclaves » (I ; IV 1-3)

Cet argument sera repris, dans un contexte différent, par Théophile Gautier : "De l'originalité de la France". In : Fusains et eaux-fortes (1880).

« Je ne doute pas que d'ici à cent ans on en vienne à arranger la vie de façon telle qu'un automate puisse en remplir les fonctions. Nous aurons des hommes d'État à ressort, des armes sur roulettes… les enfants et les livres se feront à la vapeur… »

Cité par Pierre Versins : Encyclopédie de l'utopie, des voyages extraordinaires et de la science fiction. Lausanne : l'Âge d'homme, 1972, p. 764.

[3] Homère: Iliade. Chant XVIII

[4] Heron d'Alexandrie : "Les Pneumatiques". In : la Science des philosophes et l'art des thaumaturges dans l'Antiquité. réédition. Paris : l'Escalier de feu, 1977. Cité par Jean Brun : le Rêve et la machine. Paris : la Table ronde, 1992.

[5] Lucien Liaigre : Vaucanson, mécanicien de génie. Paris : PUF, 1966.

[6] Julien Offray de La Mettrie : l'Homme machine (1748). Réédition. Paris : Bossart, 1921.

« Je crois la pensée si peu incompatible avec la matière organisée, qu'elle semble en être une propriété, telle l'électricité… l'Homme est une Machine ». (p. 134 et 142)

[7] La notion d'imagination délirante renvoie à Emmanuel Kant : Anthropologie du point de vue pragmatique. Vrin, 1984, p. 57.

[8] Jean-Jacques Bridenne : la Littérature française d'imagination scientifique. Paris : Dassonville, 1950.

[9] La notion de “pathos métaphysique” est empruntée à Hélène Tuzet : Cosmos et imagination. Paris : Corti, 1965, p. 10-11

[10] Brian W. Aldiss : Billion Year Spree : The True History of Science Fiction. Londres : Eidenfeld & Nicholson, 1973.

[11] Je cite ces trois auteurs car c'est sous leur bannière qu'Hugo Gernsback, le créateur du terme "Science-Fiction", s'est placé, en avril 1926, dans l'éditorial de l'un de ses premiers pulps spécialisés : Amazing Stories.

[12] Tobie Nathan : l'Influence qui guérit. Paris : Odile Jacob, 2001, p. 192. Voir aussi Jürgen Habermas : la Technique et la science comme idéologie. Paris : Gallimard, 1973.

[13] Guy Lardreau : Fictions philosophiques et Science-Fiction. Arles : Actes Sud, 1988.

[14] Robots nommés ici par apocope des “droïdes” bien que R2D2 n'ait pas une apparence anthropomorphe, comme les androïdes.

[15] R.M. de Nizerolles : "les Hommes de l'an 20000" ; fascicule nº 7 des Aventuriers du ciel. 1935. In : Pierre Versins : Encyclopédie de l'utopie, des voyages extraordinaires et de la science fiction. Lausanne : l'Âge d'homme, 1972.

[16] Robbie sera aussi le nom du premier robot cinématographiquement célèbre par la promotion qu'il assure du film Forbidden Planet de Fred McLeod Wilcox. 1956.

 [17] Voici les fameuses trois lois :

1) Un robot ne peut blesser un être humain, ou, par son inaction, permettre qu'un être humain soit blessé.
2) Un robot doit obéir aux ordres d'un être humain sauf quand de tels ordres s'opposent à la première loi.
3) Un robot doit protéger sa propre existence aussi longtemps qu'une telle protection ne s'oppose ni à la première ni à la seconde loi.

Ces trois lois ont pour but d'éviter l'un des lieux communs de la Science-Fiction, la révolte des machines. C'est aussi une tentative pour cadrer au plan fantasmatique les relations “humaines” entre maîtres et esclaves, patrons et ouvriers, etc., et éviter les conflits au profit du maître, puisque les inférieurs (ici les robots) sont alors soumis à ses lois et les intériorisent.

[18] Roger Bozzzettto : "l'Impensé de la Science-Fiction : Idéologie ? Mythologie ?" in : le Dit masqué — Imaginaires et idéologie dans la littérature moderne et contemporaine. Aix-en-Provence : Publications de l'Université de Provence, 2001, p. 49-54.

[19] Annie Amartin-Serin : la création défiée — l'Homme fabriqué dans la littérature. Paris : PUF, 1996. Sur une autre tonalité, Ira Levin créera une ville de “femmes parfaites” dans les femmes de Stepford. Paris : J'ai Lu, 1991.

[20] Ce thème mériterait d'être traité à part.

[21] William S. Burroughs : Nova Express. Christian Bourgois, 1970. Nova express. New York : Grove, 1964.

« Le but de mon écriture est de révéler de dénoncer et d'arrêter tous les criminels Nova… Avec votre aide nous pouvons occuper le studio de réalité » (p. 11)

Roger Bozzetto : "William S. Burroughs, le scribe étasunien halluciné". In : Américana. Cahiers CRLH-CIRAOI, nº 9, 1994. p. 201-216.

Les références bibliographiques sont sous la seule responsabilité de Roger Bozzetto ; celles qui ont été vérifiées par Quarante-Deux sont repérées par un astérisque.