Écrits sur la SF de Roger Bozzetto

une Approche de formes politiques imaginaires

dans le cadre du dossier l'Imaginaire du temps dans le Fantastique et la Science-Fiction de la revue Eidôlon, 2011

article de Roger Bozzetto

par ailleurs :

La pensée politique n'a pas seulement imaginé l'espace, comme en témoignent les premiers plans de ville chez les Grecs, mais a réfléchi très tôt aux formes de gouvernance qui se sont succédé dans l'Histoire. Et cette prise en compte du temps comme vecteur s'est retrouvée en philosophie comme en littérature.

En effet, avant l'invention du roman comme genre qui apprend à utiliser le temps, l'Occident avait connu chez Platon des discours théoriques touchant à la chose politique. Il semble qu'un seuil ait été franchi quand on est passé du discours au roman. On a ainsi élargi l'espace des possibles en insérant dans les textes la dimension narrative, et donc le facteur temps. Ajoutons que la critique littéraire a remarqué que chaque époque qui a coïncidé avec une réalité sociale nouvelle a engendré une forme particulière, qui exprimait de manière, indirecte souvent, le rapport imaginaire au monde d'une classe ou d'une caste devant cette nouvelle donne historique.

En est-il de même pour le domaine particulier des littératures de l'imaginaire spéculatif, où se côtoient parfois, et se suivent souvent, les formes des utopies, dystopies, uchronies, scientific romances, puis les divers mondes romanesques de la Science-Fiction ? Peut-on envisager, au moins à titre d'hypothèse, une histoire des formes des littératures de l'imaginaire spéculatif en relation avec le rôle assigné au temps dans ces œuvres ?

les Utopies, ou le temps figé

Lorsque Platon, sans doute le premier, amorce une réflexion philosophique sur les fondements de la cité, Athènes vit une époque de troubles sociaux. Platon tente alors, en philosophe, de trouver une issue à ce qu'il perçoit comme une crise majeure, et tente de s'engager en écrivant, outre la République, les Lois et le Politique, œuvres à caractère démonstratif.

Il est peut-être le premier à donner une forme cohérente à ses réflexions, et construit un programme qui porte sur les “bonnes lois de la cité”, et le “bon gouvernement” des Hommes. D'après ses sources d'alors, les villes-état grecques avaient été gouvernées selon trois formes de gouvernement, qui ont selon Platon échoué, car instables. Ce sont : l'oligarchie, fondée sur les richesses de certains ; la démocratie, fondée sur l'égalité de tous ; la tyrannie fondée sur le désir d'un seul.

Platon prône l'aristocratie, le gouvernement des meilleurs. Mais cela suppose une hiérarchie et des castes figées. Il faut aussi qu'il existe des citoyens de base en nombre, des gardiens armés, et des aristocrates qui gouvernent, avec à leur tête le philosophe-roi, qui détient le pouvoir absolu et la sagesse pour en user.(1)

Ces textes de Platon marquent une véritable rupture avec l'idée d'une norme/forme sociale reçue comme arbitraire et aléatoire.(2) En effet, outre la description d'une réalité sociologique, Platon propose un idéal théorique et rationnel comme source d'une réalité sociale alternative et définitive. Dans sa République, les lois étant rationnelles, le monde social est figé dans un “hors temps”, dans l'instant universel de la Raison.

L'Histoire n'empruntera pas la solution théorique de la République. La crise athénienne sera résolue par la survenue, dans le temps de l'action, d'un barbare macédonien : Alexandre. Platon avait omis de prendre en compte l'efficacité du temps et de l'Histoire, qui n'est pas prévisible. Le choix des lois de la République, cette forme de discours pré-utopique qui fige le temps, s'est donc révélé inopérante.

En SF, cette problématique du surgissement de l'événement sera illustrée par le cycle de Fondation (1951-1993) d'Isaac Asimov. Les prévisions de la psychohistoire, qui devaient permettre au temps de couler comme un fleuve dans des berges qui le canaliseraient jusqu'à une certaine date, sont, elles aussi, bouleversées par l'apparition, dans le temps de l'événement, d'un mutant, le “mulet”, qui résout, comme Alexandre, les problèmes d'une autre manière.

L'Occident vit au xvie siècle une période de grandes découvertes, mais aussi de crises dans la représentation du politique. Thomas More propose, avec l'Utopie (1516), une réponse rationnelle, économique et politique, pour répondre aux défis de ce temps. Il envisage une redistribution égalitaire des terres, et donc des richesses. Malgré la forme didactique de sa réponse, il se situe dans une perspective ironique, à la différence du Prince de Machiavel (1532), qui est à visée programmatique. L'ironie de More est le signe qu'il savait sa solution inapplicable en l'état d'alors. Cette solution rationnelle était en effet inopportune alors que le temps de l'Histoire posait en Angleterre les bases d'un État moderne et original avec Henry VIII. La solution théorique de More était donc aussi inadéquate que l'avait été la République de Platon à son époque.

Chez ces deux penseurs, le diagnostic intellectuel était bon ; il était le signe d'une révolte contre une réalité commune insoutenable et la projection vers un ailleurs, mais qui ne prenait pas en compte la dynamique temporelle de l'Histoire. D'ailleurs, le geste d'Utopus séparant le lieu de l'utopie de la terre ferme signifiait bien une rupture volontaire avec le temps et l'Histoire. Dans les deux cas, une structure rationnelle où le temps se fige. Structure hiérarchique chez Platon, planificatoire chez More.

De Francis Bacon à Jules Verne, les prémisses de la Science-Fiction

La Nouvelle Atlantide (1627) de Francis Bacon est un chaînon important entre l'utopie au temps figé et la Science-Fiction qui joue sur et avec le temps. Elle garde certains traits structurels de l'Utopie mais elle en inaugure une forme différente. À la fois par la prise en compte du rôle moteur de la science et des découvertes qui ont lieu au xviie siècle, et par la narration romanesque. Il s'agit en effet d'un texte littéraire qui tend vers le roman, et qui est à visée plus “scientifique” que politique. Il donne une grande place aux sciences physiques, à leur efficacité présente ainsi qu'à leur développement futur, perçu comme un “progrès”. Bacon montre une société différente car imaginaire, mais où la présence dynamisante de la science projette des images vers le futur, s'insérant ainsi dans la possibilité d'une Histoire, c'est-à-dire dans le flux du temps.

Le xviiie siècle proposera de nombreux textes sur des lieux “exotiques” dans le cadre de voyages imaginaires, souvent ludiques, parfois didactiques, et avec de larges plages romanesques dans des ailleurs insulaires. Mais il faudra attendre l'An deux mille quatre cent quarante : rêve s'il en fût jamais de Louis-Sébastien Mercier (1771 & 1786) pour que l'espace de l'ailleurs ne soit plus géographique : il se situe dans l'avenir. Le bond temporel est posé comme réalisé, et permet de dépeindre un monde futur. Quel sera-t-il dans cent ans ? Les utopies anciennes figeaient le temps de l'Histoire et se situaient dans des îles d'ailleurs. Le déplacement temporel se situe, ici, franchement dans l'avenir. Il permet donc d'imaginer des changements sociaux en partant de l'idée neuve que l'état de la société n'est pas immuable, qu'il est mû par sa propre dynamique et par le simple flux du temps, sans être guidé par un philosophe ou un Utopus. Mais Mercier ne va pas, en 1770, imaginer la Révolution. D'ailleurs, la société anticipée par lui demeure presque la même que celle de départ : on y voit peu de progrès, comme si le temps n'y avait pas fait son œuvre ; elle est simplement un peu plus morale. Mercier ne lie pas non plus cette évolution nécessaire aux nouvelles capacités de la science et de la technique qui pointent en ce xviiie siècle. De plus, à la différence des textes de SF qui le motiveraient par des inventions, ce transit a été effectué en rêve. On retrouvera ce procédé du rêve comme moyen d'aboutir dans le futur par anticipation, chez Edward Bellamy avec Cent ans après ou l'An 2000, en 1888, chez William Morris avec Nouvelles de nulle part (1890), et même plus tard chez H.G. Wells [ 1 ] [ 2 ] dans M. Barnstaple chez les hommes-dieux (1923). Ce sera chaque fois à des fins didactiques et allégoriques, quoique proposant des modèles alléchants, mais que l'on sait d'emblée inapplicables.

Jules Verne [ 1 ] [ 2 ], qui vit dans la seconde moitié du xixe siècle, est fasciné par les machines, les ingénieurs, les objets technologiques qu'il décrit avec plaisir. Il inventera, dans ses romans, le Nautilus, l'île à hélices, l'obus satellite qui s'envole vers la Lune, la maison à vapeur, les méga-explosifs, etc. Mais curieusement, non seulement il ne fait pas intervenir le futur (si ce n'est une vague utilisation dans l'Île à hélices, où il est question de l'an 2030 pour situer l'histoire), mais il insérera ses machines dans un espace temporel romanesque où elles n'engendrent aucune évolution politique ou sociale. Ces romans, où interviennent des machines nouvelles, sont situés dans un “para-présent” qui n'est pas un vrai futur. Elles sont hors d'un avenir où elles auraient eu un rôle à jouer. Jules Verne ne distingue pas l'invention des machines de ce que leur usage impliquerait, c'est-à-dire du bouleversement qui en résulterait dans les rapports sociaux. Un exemple de cet usage vernien du temps : les nababs étasuniens de l'Île à hélices, pourtant située en 2030, ont certes accès au théâtre ou à l'opéra par l'équivalent d'un téléphone, mais… leur musée n'admet pas les trop modernes impressionnistes ! De plus, c'est Athanase Dorémus, professeur parisien de grâce et de maintien, qui promeut encore les danses civilisées que sont la polka ou le menuet ‼

Et, comme de nombreux critiques l'ont noté, les merveilles techniques sont détruites sans véritable motif, si ce n'est devant l'impossibilité de Jules Verne à les insérer dans le monde social de son époque, et sans pouvoir anticiper l'impact social futur de ces machines. Verne est bloqué dans un cocon semi-temporel qui correspond pour lui au maximum de la “conscience du possible” de l'imaginaire de son époque. Sa seule échappée du cocon se situe dans la remontée temporelle qu'il effectue… vers le passé, rencontrant alors l'“homme du quaternaire” dans Voyage au centre de la Terre. Or, comme le montre l'œuvre de Zola, de peu son cadet, les écrivains réalistes de son époque pouvaient articuler les signes de la modernité qu'ils perçoivent, et en nourrir leur imagination. C'est une sorte de comble : Zola dépeint, mieux que Verne, les changements dus aux machinismes et il en illustre les conséquences sur le mode des relations sociales, qui évoluent avec les nouvelles inventions qui façonnent le présent de l'époque.

Preuve qu'il était devenu obsolète, le modèle “vernien” disparaîtra peu après la mort de Jules Verne pour laisser place au “merveilleux scientifique” de Rosny aîné [ 1 ] [ 2 ], aux scientific romances de H.G. Wells [ 1 ] [ 2 ], puis à la Science-Fiction.

les Domaines temporels de la science-fiction

H.G. Wells [ 1 ] [ 2 ], dans la Machine à explorer le temps (1895), innove dans le rapport des Hommes au temps comme lieu, et comme matériau malléable et spéculatif. Non seulement Wells invente une sorte de machine pour voyager dans le temps, mais il fait précéder le périple d'une théorie qui justifie la possibilité de tels voyages. De plus, son voyageur peut naviguer dans le futur comme dans le passé, même s'il y disparaît. Ajoutons qu'à la différence de Mercier, qui ne prévoit que quelques changements cosmétiques, Wells axe le sens du voyage temporel de son héros sur une idée neuve. Il spécule sur les résultats futurs de l'exploitation d'une théorie à propos de la lutte des classes, alliée à la théorie lamarckienne de l'adaptation, où la fonction crée l'organe. Ce qui justifie que l'espèce humaine du futur se soit scindée et ait divergé à un moment, donnant lieu à deux espèces : les Morlocks et les Eloïs. Cette réflexion sur le devenir de l'espèce humaine s'inscrit aussi dans la thématique des fins de monde, qui sont des fins de temps, et qu'à la même époque illustre Camille Flammarion en France avec la Fin du monde (1895) et que Rosny aîné [ 1 ] [ 2 ] peindra dans la Mort de la Terre (1910). Il est plus facile, au plan émotif, de peindre la fin du monde que la mort d'un modèle social ancien, et dans lequel toute une culture nous sert de racines et nous le fait considérer comme une norme. Tout se passe comme si les auteurs des romans de fins de monde avaient anticipé la guerre de 1914-1918 et donc la fin nostalgique du modèle économique et politique de la “Belle Époque” qui donnait forme et sens à leur univers.(3)

Cette liberté offerte par la thématique du voyage temporel considéré comme avéré va être exploitée à satiété dans le cadre du roman par les auteurs de SF, engendrant différentes formes et des difficultés d'interprétation de ces mêmes formes. On y trouvera les anticipations, les uchronies, les polices du temps et les complexités temporelles qui s'appuient parfois, de façon allusive ou directe, sur la notion d'espace-temps einsteinien.

Les anticipations sont souvent à caractère d'avertissement dans un temps proche, où ce qui est visé est un futur possible cohérent avec le savoir de l'époque. L'exemple le plus marquant est le roman à caractère dystopique le Meilleur des mondes (1932) d'Aldous Huxley, qui se situe dans un temps “post Ford” mais qui n'est pas coupé des références à notre présent. Il illustre une peur, celle de la couche des intellectuels occidentaux de l'époque de l'entre-deux-guerres, qui y mire avec horreur la fin de son règne. Ces intellectuels redoutent le taylorisme social, une société administrée même au plan de l'usage du temps, où les êtres humains sont comme des choses, et dont le totalitarisme, plus ou moins “doux” est technologiquement garanti.(4) Notons que le philosophe-roi cher à Platon voit alors son rôle tenu par l'administrateur technocrate et la bureaucratie.

Les uchronies, dont Renouvier a inventé le nom,(5) datent du xixe siècle, ont été exploitées dans quelques œuvres majeures de la SF du xxe siècle. Cette écriture romanesque d'une nouvelle Histoire, à partir de la bifurcation devant un événement du passé considéré comme crucial, ouvre sur une multitude de variantes possibles. On y représente la re-catholicisation de la Grande-Bretagne avec Pavane de Keith Roberts (1968), la victoire du Sud avec Autant en emporte le temps de Ward Moore (1953), celle du nazisme avec le Maître du Haut Château de Philip K. Dick (1962). Ces descriptions d'une Histoire “alternative” proposent le plaisir de jouer avec le temps et avec les possibilités de la fiction. En même temps, il s'agit de relativiser les certitudes du présent en montrant qu'un simple événement peut “muter”, sinon le cours du temps, au moins le sens de l'Histoire. On le voit dans "un Coup de tonnerre" de Ray Bradbury (1952). Peut-être les romans uchroniques illustrent-ils, à leur manière, la grande peur rétrospective qui a saisi l'Occident sur ce qui eût été la vie si le cours de l'Histoire avait été modifié, s'il eût fallu vivre sous la botte nazie ou stalinienne.

Une autre plage imaginaire s'est ouverte lorsque le voyage temporel a été utilisé pour modifier le passé, ou pour s'assurer qu'il ne le sera pas. L. Sprague de Camp a utilisé le saut (involontaire et non justifié) dans le passé dans De peur que les ténèbres (1939). C'est à Rome en 535, afin que son héros, un touriste étasunien du xxe siècle, qui connaît l'Histoire, en anticipe les découvertes afin d'éviter à l'Europe la “grande nuit” du Moyen Âge. Ce qui, en 1939, fait signe à la crainte d'une autre “nuit”.

Pour Poul Anderson dans la Patrouille du temps, les voyages temporels existent mais sont surveillés par les Hommes du futur et ses patrouilleurs temporels. Ils veillent à ce que l'Histoire ne soit pas modifiée par des voyageurs mal intentionnés. Ces textes sécuritaires datent des années 1960 et manifestent la crainte d'un bouleversement historique à l'époque de la guerre froide, où le maccarthysme fait office de patrouilleur social.

Ailleurs, dans "Rapport minoritaire" de Philip K. Dick (1956),(6) la maîtrise du temps a été récupérée par des appareils répressifs d'État qui, au nom de la sécurité, tentent de prévenir les délits en utilisant des mutants “precog”, puis tentent une mainmise sur l'ensemble social.

Le point commun entre ces voyages temporels est une certitude naïve, prétentieuse et conservatrice. Elle donne le présent comme exemple paradisiaque de civilisation et de valeurs, qu'il s'agit de maintenir ou de retrouver, sans pour cela s'interroger sur la validité universelle ou non de ces mêmes valeurs. Ce qui a correspondu à l'enthousiasme des auteurs de SF étasuniens et à leur foi dans leur idéologie prétendument universaliste. Ces textes manifestent aussi la certitude que ces interventions ponctuelles sont nécessaires car il faut que l'Histoire soit celle qui a été, quel qu'en soit le prix, ce qui justifie toutes les entorses à la moralité, ce qui justifiera plus tard Guantanamo.

Depuis les années 60, les complexités temporelles utilisées par la SF se sont multipliées, sont devenues innombrables, et permettent aux auteurs de SF d'agir comme bon leur semble avec le temps comme matériau. Loin d'être cantonné à l'image d'un fleuve qu'il serait possible de descendre ou de remonter, le temps devient une sorte de marécage : il est à l'image des rhizomes. On peut y attendre l'année dernière,(7) se perdre dans les moments d'une chronolyse(8) qui conduisent à des univers parallèles. Le temps joue aussi des tours, qui engendrent des récits, comme le montre Barjavel, inventant en 1944 un paradoxe temporel dans le Voyageur imprudent. Notons qu'en 1944, époque où la France vivait l'occupation nazie, il a été difficile pour Barjavel de se situer dans le sens de l'Histoire.(9)

Depuis les années 60 et dans la SF, les confrontations utopie/dystopie, les uchronies, les anticipations ont cessé d'être des genres en soi, et ont donné lieu à d'improbables hybridations. Au plan de l'usage du temps, cela a abouti à des textes qui se présentent comme des mélanges d'archaïsmes et de modernités. Les deux exemples-phare seraient les textes de Philip K. Dick, pour le jeu sur les temporalités différentes dans le même univers, par exemple dans Ubik (1969), et, pour la réactualisation des mythes dans un contexte d'hypermodernité, les textes de J.G. Ballard [ 1 ] [ 2 ], par exemple Crash (1973). Dans ces deux textes, ni le présent ni le futur ni même le passé ne sont saisis comme des données, mais comme des matériaux malléables dont l'utilisation conduit à des univers sociaux impensables et familiers à la fois.

Il me semble que le critère de la prise en compte du temps pour les constructions de mondes sociaux, dans les textes relevant de l'imaginaire, est à envisager selon deux aspects. D'une part, cela permet de saisir et de distinguer de manière nette et productive les formes pré-utopiques, les formes utopiques et dystopiques, et les romans de SF. D'autre part, cela permet de s'interroger sur l'usage du temps dans la SF et dans la littérature générale. Celle-ci a tendance, justifications en moins, à utiliser les apports temporels de la SF, sans y faire explicitement référence comme on le voit avec la Route de Cormac McCarthy (2006). Ce qui pose une autre question, celle des limites éventuelles du domaine de la SF et de sa spécificité comme domaine littéraire clos, ou ouvert sur le reste de la littérature.

Roger Bozzetto → Eidôlon, nº 91, avril 2011


  1. Platon semble anticiper le concept des fonctions tripartites indo-européennes, développé par Georges Dumézil. Tous les peuples indo-européens présentent un trait commun : l'organisation selon trois fonctions. Cette structure se retrouve dans les mythes mais également dans l'organisation de la société. Il y décrit trois ordres : les guerriers, les travailleurs et les prêtres…
  2. Cette stratification est-elle à mettre en parallèle avec l'aménagement du Pirée en damier d'Hippodamos de Millet ? Ce qu'il fit à la demande de Périclès au ve siècle av. J.-C.
  3. La “Belle Époque” correspond à l'apogée du modèle bourgeois fondé sur l'exploitation colonialiste de l'Afrique et de l'Asie ; c'est aussi le moment des guerres indiennes aux USA.
  4. Cette classe de récits comporte, entre autres, Nous autres d'Eugène Zamiatine (1920) ou 1984 de George Orwell (1949) ; chacun illustre un moment de cette crise d'auto-représentation des “ingénieurs des âmes” de cette époque. Et la prolifération des héros de l'individualisme.
  5. Charles Renouvier invente le mot "uchronie" en 1857 dans la Revue philosophique et religieuse. On peut aussi parler d'“histoire alternative”.
  6. "The Minority report" donne son titre à un film de Steven Spielberg (2002).
  7. Philip K. Dick : En attendant l'année dernière (1966).
  8. Michel Jeury : le Temps incertain (1973).
  9. René Barjavel a publié Ravage en 1943. Où il a été suspecté de sympathies pour le régime de Pétain et a eu des problèmes à la Libération.