Gérard Klein ; Philippe Curval ; Grichka Bogdanoff ; Igor Bogdanoff ; Jean-Claude Mézières ; Pierre Delmotte : Futurs, nº 1, juin 1978
revue de Science-Fiction
Avant d'entrer dans le vif du sujet et de parler avec vous de l'avenir tel qu'il est décrit dans les livres, les films, les pièces de théâtre, les bandes dessinées, les chansons, tel qu'il est suggéré parfois dans la musique, ou qu'il se profile dans certains États de Science-Fiction comme le Cambodge, je voudrais, un instant, revenir sur Futurs, le numéro Un, qui lui, je l'espère, appartiendra au passé le plus lointain de vos mémoires. Non que, dans sa conception même, l'ensemble du comité de rédaction le renie ; c'est, vous l'avez compris, une sorte de numéro Zéro qui nous permettra désormais de mettre au point le magazine de Science-Fiction dont tout le monde rêve. Ce Futurs est pour demain, après-demain au plus tard ; en attendant, ne vous inquiétez pas, tout lecteur en aura pour son argent, même s'il l'a volé dans la poche d'un autre.
Ce dont je voudrais vous entretenir, c'est de la façon dont il est possible de servir un aussi grand nombre de coquilles sans proposer le moindre fruit de mer. Comment des textes honorables, passés au presse-purée de la photocomposition la plus démente, deviennent d'hilarantes improvisations que ne renieraient ni James Thurber ni les Marx Brothers. Je ne sais si vous avez apprécié, comme moi, ces phrases qui s'arrêtent net au bord de la ligne et qui ne reprennent jamais dans la suite du texte, malgré une lecture attentive ; ces petits mots uniques, posés en équilibre au bord de la colonne et qui ne se rattachent à aucune langue connue ; ces ensembles sémantiques qu'un ordinateur programmé pour une construction aléatoire ne serait pas capable de réunir ; ou bien encore, ces phrases répétées plusieurs fois au cours du texte, en plusieurs caractères différents, et qui se déforment progressivement jusqu'à changer complètement de sens ou n'en avoir plus aucun. Jamais, je crois, dans l'histoire de la Presse, une telle inventivité dans la coquille n'a été rassemblée dans un seul exemplaire. Nous sommes en pourparlers avec une école de journalistes pour vendre à prix d'or la rubrique Livres du premier numéro de Futurs, où s'est épanoui le tumultueux génie des Fabricants de coquilles et de mastics, fautes, bourdons, doublons, chasses, chevauchements, transpositions, papillotages qui y pullulent, sans compter quelques chiffres, livres sterling ou dollars qui agrémentent parfois le nom d'un auteur ou renforcent sa cote auprès des fans.
Il n'est d'ailleurs pas dans notre intention d'en faire porter la responsabilité à quiconque ; tout le monde, même les photocompositeurs et les photograveurs peuvent avoir des passages à vide.
Mais, trêve de lamentation, passons à l'objet de cette chronique qui, vous l'avez compris, sera un peu la suite de celle que je tenais de façon plus nocturne dans le défunt Galaxie. Mon intention n'était pas de la ressusciter, mais il paraît que les clowns, quand ils ont trouvé un sketch à succès, sont contraints de le répéter jusqu'à leur mort, sinon ils perdent leur public.