Jean-Pierre Andrevon : la Trace des rêves
roman de Science-Fiction, 1988
Il existe une forme littéraire où la redite n'implique pas le rabâchage, l'anaphore n'est pas signe de bégaiement ou l'antanaclase preuve de redondance. Peu souvent mises en valeur par la critique, ces œuvres tautologiques n'en comportent pas moins leurs inconditionnels lecteurs. Deux voies s'offrent à l'auteur, soit développer une idée, une atmosphère à travers une série, grâce à des archétypes qu'on retrouvera avec une satisfaction présumée de volume en volume, soit répéter toujours la même chose dans chacune de ses œuvres, thème sans variation ou presque dont la beauté réside dans sa puissance obsessionnelle. L'actualité de ce mois nous en offre l'éventail.
Jean Pierre Andrevon, d'abord, avec la Trace des rêves. Dès les premières pages où l'on voit éclore des Humains d'œufs artificiels programmés, on se dit : « Tiens, de la Science-Fiction des années 20… », puis, en apprenant que ces derniers vivent dans un contexte préhistorique, on corrige : « Non, c'est un succédané de la Guerre du feu. ». S'apercevant enfin que ces hommes sont minuscules face à leur environnement, nous croyons discerner l'influence de Swift. Mais bientôt, tout s'éclaire, ces hommes sont les derniers sur la Terre dévastée (probablement) par la folie des Hommes ; ils rencontrent les Dernières Femmes et tentent de s'insérer dans le nouvel environnement qu'ils découvrent avec plus de surprise que nous. Dès lors, impossible de se tromper, et l'on conclut : « Mais non, bien sûr, c'est de l'Andrevon ! ».
De l'Andrevon qui ne déçoit pas car chacune des idées qu'il développe ici peut se retrouver dans ses livres majeurs : le nucléaire qui a tout éradiqué, l'être humain, fauve suprême qui perturbe tout équilibre écologique par sa cruauté native, l'amour comme dépassement de soi-même, le sexe comme consolateur, la fin de tout comme idéal philosophique. Pour Andrevon, l'écriture d'un livre n'est que prétexte à parachever cette œuvre unique qu'il porte en lui depuis le commencement du monde (désert). Ne vous y trompez pas, cependant : son art est parvenu depuis longtemps à maturité. Terry Riley de la machine à écrire, il développe sans faille ses accords et ses arpèges, provoquant peu à peu cette fascination euphorique que procure la vertigineuse rigueur de la répétition.
Notez qu'avec Tout à la main du même auteur, qui pourrait s'intituler un Homme se masturbe sur son passé, vous retrouverez les mêmes sensations.