Jean-Marc Ligny : Inner city
roman de Science-Fiction, 1996
« Abondance de biens ne nuit pas. »
dit un proverbe populaire. Ce n'est pas si sûr. Jean-Marc Ligny, dans Inner city, s'attaque à la question. À Paris, dans un avenir prochain, trois réalités coexistent, la Basse, la Haute et la virtuelle. Les malheureux, les exclus, qui occupent la Basse, confinés dans leurs banlieues répugnantes, ne rêvent que de la virtuelle, commercialisée par Maya. Ceux de la Haute ramassent les billets.
Mais, au-delà du virtuel, se dissimule la Réalité Profonde, « un noir qui n'est ni trame ni couleur, une absence de référence et d'algorithmes »
, où se matérialisent d'obscurs fantasmes, « des combinaisons aléatoires de pixels non assignés »
. Une réalité de trop, pour Deckard, qui dirige Mens Sana, agence de sécurité de Maya. Il vient de repérer l'apparition d'un tueur fou et non identifié sur le réseau. Sans compter les agissements d'un certain Hang, qui injecte sauvagement dans le Cyberspace des images arrachées à la Réalité vraie.
Kris, est une sorte d'inspecteur infirmière. Elle vole au secours des paumés, les Inners qui s'overdosent dans les programmes à succès, genre Évasion de Jupiter ou Antarctica. Deckard la charge de nettoyer la Réalité profonde.
Si la SF possède une qualité, c'est de surpasser l'immédiat prophétisé, d'apporter un plus de science et de conscience aux visions naïves divulguées par les médias. Par exemple à propos de l'avenir des programmes virtuels et leur rôle sur l'évolution de notre monde. Cyberpunk avant l'heure, Jean-Marc Ligny s'embarque avec beaucoup d'énergie sur ce terrain piégé. Son logiciel de traitement de texte lui sert de divan pour une psychanalyse généralisée de la société. Mais son ambition s'arrête à ce seuil.
Car, au lieu d'innover, d'inventer, de spéculer, Ligny se contente trop souvent d'exploiter des clichés, de verser dans un “politiquement incorrect” banalisé, de se gargariser d'un vocabulaire informatique emprunté aux bibles de Microsoft. Quand il ne s'exprime pas en anglophone — pourquoi la banlieue de Paris s'appelle-t-elle Slum city ?
Reste qu'Inner city marque l'esprit par son rythme, son ampleur et sa vivacité. Dans ce roman de l'inaliénable, l'auteur traque une vérité première. Que se cache-t-il derrière l'identité ? Un être virtuel, dépositaire d'un code génétique et d'une culture, ou bien un être réel, fruit de sa sensibilité et facteur de son destin.