Iain M. Banks : l'État des arts
(the State of the art, 1989)
court roman de Science-Fiction dans l'univers de la Culture
- par ailleurs :
Tassé par la gravitation, déformé par l'éducation, bridé par la société, cisaillé par des interdits multiples, l'Homme serait-il un bonsaï animal ? Ou bien la confusion qu'il introduit entre fiction et réalité dilue-t-elle les différences révélatrices de la vie, organise-t-elle celle-ci selon des règles sélectionnées à partir des clichés les plus éculés, incitant les individus à envisager leur existence comme un concours. Dans l'idéal, le vainqueur atteindrait un jour la conformité absolue. C'est pourquoi l'art constituerait une aberration quantique, comme telle appréciée par des extraterrestres, amateurs de curiosités.
Telles sont les questions soulevées par Iain M. Banks, dans l'État des arts.
Très longue nouvelle ou court roman, ce texte fait partie du Cycle de la Culture, civilisation galactique qui élève la liberté au rang de science exacte, décide ou non d'entrer en contact avec d'autres civilisations. Après des mois d'observation, l'équipage et le vaisseau s'interrogent sur la nécessité de révéler leur présence aux Terriens.
On pourrait croire dans ce cas que la Science-Fiction, à l'instar des Lettres persanes, se fait le commentaire de nos travers et de nos ridicules, passe au scanner Londres, Paris, Berlin, New York, etc. Iain M. Banks, tout en décochant quelques traits bien sentis sur nos mœurs et nos capitales, ne délaisse pourtant pas le genre.
Articulé autour du conflit entre un membre de la Culture qui souhaite s'identifier de manière christique aux Terriens et ses compagnons qui s'y opposent par le dialogue, l'État des arts spécule sur le sentiment du voyageur. Celui-ci visite-t-il des planètes étrangères pour se faire “baiser” par une civilisation entière ? Se libérer de l'ennui qui pèse sur le quotidien d'un surhomme immortel ? Passer du rôle de spectateur à celui d'acteur ? Haïr ceux qui ne lui ressemblent pas ? Devenir fou ? Créer une nouvelle utopie qui n'imite pas la sienne ?
Déjouant le piège du conte philosophique, Banks élude avec humour et subtilité les réponses formelles à ses propres questions. Tout son talent repose ici sur l'emploi subversif de la note incidente, qui transporte le lecteur humain du côté des extraterrestres et le rend à la fois juge et partie.
Ceux que l'Usage des armes ou l'Homme des jeux ont séduits découvriront dans ce petit volume inclassable motif à relecture et rêverie sur l'œuvre de Banks. D'autres qui n'auraient pas lu ses romans s'inquiéteront : « La Science-Fiction serait-elle une littérature intelligente ? ».