Serge Lehman : Aucune étoile aussi lointaine
roman de Science-Fiction, 1998
- par ailleurs :
Une nouvelle collection chez J'ai lu : "Millénaires". Syndrome des temps mêlés, celle-ci publie sous une présentation plutôt alléchante deux romans britanniques, l'un de Fantastique moderne, Psychoville de Christopher Fowler, et Neverwhere de Neil Gaiman, plus inspiré par la Fantasy. Ceux-ci simultanément avec un space opera de Serge Lehman, Aucune étoile aussi lointaine. Sans être un puriste — au contraire, je me réjouis de constater que les littératures “parallèles qui se rejoignent à l'infini” prolifèrent —, ma préférence ira à ce dernier. La Science-Fiction est mon verre de vin. Ce qu'illustre très justement la citation du dictionnaire Larive et Fleury : « Le Vin est le lait du vieillard. »
. Or le vieillard est l'avenir de l'Homme.
Depuis son premier roman, la Guerre des sept minutes en tant que Don Hérial, Lehman tente de construire son œuvre, comme tant d'autres auteurs de SF avant lui, autour d'une histoire personnelle du futur, soigneusement élaborée dans sa totalité. Chaque opus s'insère dans la continuité chronologique de sa construction mentale. L'émotion de l'écrivain naît alors du vaste projet qu'il porte, auquel il a voué son œuvre, ce que ne ressent pas nécessairement le lecteur ordinaire, dont la perception prospectiviste est plus limitée.
D'ailleurs, lier entre eux les différents chapitres d'une cosmogonie autodidacte, en accumulant des références à d'autres périodes du même continuum historique, oblige à des exercices périlleux qui nuisent à la pure écriture des ouvrages spéculatifs.
Cela posé, il serait dommage de ne pas s'embarquer avec Lehman à bord de l'Anubis, astronef intelligent qui appartenait (ou à qui appartenait) le grand-père du jeune Arkadih. Vaisseau en veilleuse au cœur d'une île de terre, en attendant de ressusciter le naute qui sommeillait en l'adolescent. L'enjeu du voyage est vaste. À l'heure où la Voie met en communication instantanée tous les mondes de l'Omnium, il s'agit, pour l'adolescent de Murmank, de démontrer que cette profession en perte de vitesse est la seule capable de s'opposer aux sourdes menées de l'Avatar, structure fossile de l'univers, qui l'inventa à partir du vide.
L'originalité du récit, qui alterne fables et commentaires, fragments de mystère délicieux, chants et récitatifs comme dans tout opéra, mérite qu'on s'y attache. À travers des décors grandioses et singuliers, tels les plans fixes d'une fresque médiévale, que dévoile et qu'anime un à un Lehman pour définir des séquences et établir le sens de son projet, l'esprit s'envole au cœur de la singularité spatiale.
D'où l'expressivité méditative de ce roman, où chacun en somme, Humains et créatures baroques, jusqu'à la créature suprême par ses sbires interposés, s'interrogent sur le sens de l'identité.