Xavier Mauméjean : la Vénus anatomique
roman de Science-Fiction, 2004
- par ailleurs :
Xavier Mauméjean a le verbe laineux, la métaphore charnue, la litote acérée et l'oxymore métaphysique. Il est aussi gourmand de mots que d'anecdotes et bricole dans les coulisses du passé des romans collages où la science s'associe à la conspiration, la civilisation des Lumières aux ténèbres du pouvoir. Son propos est d'asservir l'Histoire en la soumettant à la spéculation conjecturale. D'où les limites qu'il s'impose afin de conserver la vraisemblance à son récit, tout en l'alimentant d'allusions voilées à notre époque. Ce qui donne à voir un spectacle Son et Lumière où la vérité des détails est respectée, mais l'éclairage révèle des zones d'ombres ignorées. À ces fins, il réunit dans la Vénus anatomique des personnages célèbres, comme La Mettrie (le récitant), Vaucanson, Casanova, Fragonard (le cousin), Diderot, Louis XV et la Pompadour, à d'autres qui le sont moins afin de brouiller les cartes. Il en naît un roman cartésien et libertaire qui mêle habilement les épisodes d'action avec les plages de réflexion.
Rétrocipant sur l'Ève future de Villiers de L'Isle-Adam et le Frankenstein de Mary Shelley, Mauméjean suppose qu'au xviiie siècle, le roi de Prusse envisage de créer un être artificiel qui remplacerait avantageusement ses sujets. Complots, traquenards se dressent devant le projet, sans qu'on sache exactement qui en est la source et quels sont les vrais enjeux politiques. Car, si la documentation est minutieuse, savoureuse, une inspiration plus échevelée manque à ce roman pour qu'il soit accompli. Reste que les discussions savantes entre le chirurgien, le biomécanicien et le naturaliste confèrent à la relativité du savoir une saveur pataphysique que n'aurait pas reniée Jarry.