Claude Ecken : le Monde tous droits réservés
nouvelles de Science-Fiction, 2005
- par ailleurs :
Ce n'est pas tous les jours qu'on voit publier un recueil de nouvelles, et de surcroît, français. Moins souvent encore, il apparaît que le corpus réuni donne l'impression de découvrir un véritable auteur, dont l'œuvre affirme sa cohérence sur une vingtaine d'années. Claude Ecken n'est pas de ces écrivains subreptices dont un texte fait la gloire par hasard. À travers le Monde tous droits réservés, on perçoit une volonté de traduire par la SF ce qui intrigue dans les sentiments humains. Goût forcené de l'individualisme, versatilité extrême qui s'opposent en permanence à la recherche d'affinités, au désir effréné de sociabilité. Banalités peut-être, si la vive imagination d'Ecken ne conférait à ses nouvelles un relief original, grâce à son art particulier de faire ressentir combien nos comportements, nos mœurs sont en phase directe avec l'univers et ses énigmes.
En ce sens, "la Fin du big bang" est exemplaire. Dès l'enfance, Damien éprouve un perpétuel décalage avec sa famille, ses relations. Ses souvenirs se fixent sur différents épisodes de son existence qui ne reflètent en rien sa réalité actuelle. Il a conscience d'un “passé présent” et d'un “passé changé” qui lui fait soupçonner que sa vie s'écoule au fil d'univers parallèles, sans doute en corrélation avec la naissance du big bang. Thème voisin, mais inversé, dans "Fantômes d'univers défunts" où les personnages d'un petit groupe d'amis sont remplacés par des alias venus d'ailleurs. Autre sujet superbement traité dans "Edgar Lomb, une rétrospective", celui de l'approche d'autres civilisations, par la mise en relation mentale avec des extraterrestres. Ou d'une expérience d'échange entre l'homme et le végétal dans "les Déracinés".
Ce qui frappe, chez Claude Ecken, outre une vraie réflexion sociologique, une culture évidente, une juste sensibilité, c'est la construction, le style très personnel de ses textes. Loin de se perdre en justifications filandreuses, il procède par ellipse ou par collage et plonge sans transition le lecteur du réel à la fiction. D'où se dégage un sentiment de “déjà-vu” jusqu'alors insoupçonnable. Ce qui est singulièrement troublant.