Terrible moi de mai
Au départ de Paris, il faisait 25°, treize à l'arrivée en baie de Somme. Sortant de la voiture, j'emmitouflai mon blog frileux sous ma veste pour qu'il n'attrape pas un refroidissement fatal. Car un blog givré ne se déguste pas comme un sorbet. Je marchai sur la pelouse exsangue. Quand je dis pelouse, c'est nettement exagéré, disons qu'il s'agit d'un petit rectangle de terrain recouvert d'herbe par endroits, clos de murs et ceint de végétation.
Soudain, lui qui me parle si peu tant il est paresseux du verbe, m'a dit :
« Pour changer, raconte-leur un peu ta vie personnelle.
— Aucune raison. » lui ai-je répondu, « Nul ne s'intéresse à mes affaires. Si je t'emmène avec moi, c'est pour évoquer l'actualité de la Science-Fiction.
— Justement, ton jardin, ressemble à un vrai film catastrophe. »
Il n'avait pas tort.
Terrible mois de mai où je surveille le réveil des arbres, des arbustes, des plantes à la suite d'un redoutable hiver.
Déjà, le céanothe avait flanché à la fin de l'année 2008. La dernière branche qui avait survécu et fleuri dans un jaillissement de peluches bleu ciel s'était flétrie. Bois sec, je l'avais scié. Le mimosa, qui a sombré sous le gel, dresse ses fleurs et ses feuilles solidifiées par la mort tel un épouvantail. Le jasmin n'est plus qu'un entrelacs de brindilles jaunies. Le figuier tarde à sortir ses bourgeons. Sur ses branches pendent les fruits de l'an dernier, pas mûris, comme de petits testicules en guirlandes.
Même l'olivier, le camélia me donnent des frissons dans le dos avec leur air cachectique. Comme s'ils exprimaient un désespoir secret et se demandaient s'il ne valait pas mieux dépérir définitivement plutôt que d'affronter une prochaine saison abominable. J'en passe et de pires.
« Enfin, » me direz-vous (si vous n'avez déjà zappé sur un autre site), « quelle idée de faire pousser des plantes méridionales si haut dans le nord ? — Très simple, » vous répondrais-je, « c'est de l'anticipation scientifique. Comme j'ai cru au réchauffement de la planète et que les quinze années précédentes semblaient donner raison à ces prédictions (à part la mer qui peine de plus en plus à recouvrir les sables durant les marées), j'avais transformé mon parallélépipède de verdure en paradis méditerranéen. » Comme quoi, l'anticipation scientifique ne tient pas toujours ses promesses et déçoit même les plus acharnés sur leurs positions.
Commentaires
Les commentaires sont publiés après validation par Quarante-Deux.