Keep Watching the Skies! nº 6, janvier 1994
Jean-Pierre Andrevon : une Mort bien ordinaire
recueil de Fantastique ~ chroniqué par Micky Papoz
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S'il fallait expliquer à un débutant ce qu'est vraiment un grand nouvelliste, on gagnerait du temps en lui recommandant de lire ce recueil. Ce qui frappe d'abord, c'est la qualité de l'écriture. Les sujets, eux, ne sortant pas tellement des thèmes classiques, ils ont bien ordinaires, comme le titre du recueil, mais J.-P. Andrevon possède une manière bien personnelle, à la limite de la familiarité, pour nous faire entrer au cœur de ses sujets. De son monde bien personnel. Bien ordinaire pour quelqu'un qui possède ce talent, bien extraordinaire pour ceux qui ne parviendront jamais à obtenir cette perfection. Pourtant, on pressent que l'auteur peaufine d'abord ses textes et que, pour lui, l'écriture a beaucoup plus d'importance que l'histoire même. Recueillement passionné pour nous faire aborder un thème aussi banal — à première vue seulement — que celui de "l'Amante" qui ouvre le recueil. Jeu de mots à peine déguisé. Un bouleversant mélange de désir et de mélancolie. Voilà le deuxième secret de J.-P. Andrevon. Une autre nouvelle : "la Cour", nous donne de prime abord à penser à celle du film, Fenêtre sur cour, du regretté A. Hitchcock, mais là encore, d'une pirouette, le nouvelliste nous fait devenir un voyeur d'un genre très spécial. Sentinelle de la nuit qui doit piéger à son tour. Monde irréel, monde miroir qui se reflète à l'infini derrière une glace, pourtant sans tain, que l'on traverse aussi facilement que celui d'Alice. Fenêtre ouverte sur l'univers étoilé des rêves ou des cauchemars. "La Maison d'Emilie", une des plus longues nouvelles de ce recueil, est un piège aussi gluant qu'une toile d'araignée. Mort bien ordinaire que celle de cet homme (mouche ?) qui vient se coller aux lèvres pulpeuses qui distribuent de fatals baisers. On assiste muet d'admiration à la mort lente de cet homme pris au piège d'une femme au ventre que l'on devine stérile, mais pourtant fécond d'immortalité et de mort. Amalgame indissociable. Le recueil s'achève en soupir — ultime — sur la nouvelle qui donne son titre au recueil. On en sort un peu haletant. Un peu insatisfait… On se dit que cette haleine, bien que macabre, ne laisse aucun relent putride, alors on regrette qu'elle n'ait pas duré plus longtemps. Bravo, monsieur Andrevon.