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Vous êtes ici : Quarante-Deux KWS Sommaire du nº 8 les Singes du temps

Keep Watching the Skies! nº 8, juillet 1994

Michel Jeury : les Singes du temps

roman de Science-Fiction ~ chroniqué par Éric Vial

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« Vingt ans, putain, c'est long ! » comme diraient en chœur Chirac et sa marionnette. Ouais. Il y a vingt ans, Pasqua s'appelait Marcellin, Balladur se prénommait encore Valéry, Rocard avait déjà de l'avenir et Chirac des fébrilités. Mais on ne savait pas que la crise allait durer au moins vingt ans [1]. Et Jeury était paysan-écrivain, et pas encore écrivain-paysan. Nés de sa plume, justement, de drôles de bestiaux hantaient la S.-F. française : Ces “singes du temps” que le Livre de Poche nous restitue (après Presses Pocket, sauf erreur). Et que l'on redécouvre. D'un autre œil.

D'abord, parce qu'on a, depuis, lu du Jeury en assez grosses quantités. Et qu'on a la surprise de trouver, entre autres, mention, d'un Sombre éclat, d'un Seigneur de l'histoire, ou de l'Orbe et la Roue. Et que cela donne envie de reprendre, indistinctement, les Fleuve Noir et les Laffont et même le volume chez Kesselring, pour retrouver d'un seul coup la cohérence d'un univers. Accessoirement, mais dans le même ordre d'idées, parce qu'on a aussi lu quelques arrière-conséquences de l'univers jeurien, sous d'autres plumes, ou qu'on en a eu l'impression. Et qu'il ne serait pas inutile de faire un bilan. De mesurer les influences. De se demander ce qui a été retenu, et si c'est le plus intéressant.

Ensuite parce que le temps a passé, ce qui était l'avenir en 1974 est désormais derrière nous, que, du coup, des détails prennent un éclat étrange, de l'insistance sur l'année 1981 à la mention du mot "Alien". Que l'influence possible du zen en général et des philosophies orientales en particulier a quelque peu décliné depuis les radieuses années 70. Que le sens du mot socialisme s'est quelque peu perdu entre le souvenir des dictatures post-brejnéviennes et la pratique libéral-monétariste du mitterrandisme. Que le thème du complot fomenté par la C.I.A. a pris un côté quelque peu kitsch, parce que les méthodes imaginées sont trop brutalement naïves, et que l'on a vu plus sophistiqué, sinon plus efficace Bref, parce que l'anticipation a glissé du côté de l'uchronie. Et que cela a toujours une saveur toute particulière.

Enfin, mais là il ne s'agit plus de découvrir d'un autre œil, mais de retrouver les joies d'une première lecture, parce que sous les va-et-vient de la subjectivité, sous les faux-semblants et les chausses trappes, il y a une histoire, de personnages, et des enjeux, comme on les aime en S.-F., englobant la planète et la structure même de l'univers à partir de l'aventure personnelle d'un héros quelque peu ballotté par des forces qui le dépassent largement. Qu'il y a une histoire des futurs possibles. Qu'il y a aussi l'approfondissement de l'idée de temps chronolytique, d'univers intérieurs, d'éternité subjective… Et que l'on ne peut qu'aimer un livre qui se termine par cette phrase : « Nous nous battrons avec nos rêves. ».

Notes

 [1] Ah bon ! J'ai toujours cru qu'ils le savaient tous, mais qu'aucun n'osait le dire en public. — NdlR