Keep Watching the Skies! nº 9, octobre 1994
Alain Dartevelle : Imago
roman de Science-Fiction ~ chroniqué par Pascal J. Thomas
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Imago est une ville, mais c'est aussi une vie : celle d'une population entière — surtout masculine — de zélateurs du grand Sigmund F., analyseur des psychés et auteur de la Vie Véritable qui reste le modèle des pulsions créatives. Avec l'aide occasionnelle du Professeur Morano, tous ces gens s'essayent à l'écriture, ou, endossant la défroque des champions, vont retrouver dans un parcours initiatique — et dangereux — : le Beau Trajet, des épreuves physiques qui soient le miroir de leurs épreuves mentales.
Je manque de références en matière de psychanalyse pour apprécier tous les éléments — à première vue disparates — que Dartevelle a employés dans son livre. La succession dans les premiers chapitres d'une série de personnages qui ne font qu'un bref passage sur scène n'aide pas non plus à rentrer dans le roman — d'autant plus que leur individualité est déniée par la méthode des prénoms génériques, comme pour des gens fabriqués en série ; idée intéressante, lecture parfois pénible. De même, si la vie à Imago est si ennuyeuse, on se dit que ce peut être pour exacerber l'importance de la fiction et des constructions intellectuelles dues au Grand Sigmund et à ses acolytes. Mais le livre en devient terne… L'action ne m'a pas passionnée et fait rire que lorsque les robots de l'Intermonde ont commencé à se dérégler, à faire preuve d'une folie meurtrière. Sans doute le moment le moins freudien !
Dartevelle a certainement réussi un ouvrage qui ne rappelle en rien ses romans précédents et qui se nourrit de sources inhabituelles en S.-F. — quoique Barry Malzberg ait écrit un livre dont le héros est un Freud ressuscité par des extraterrestres pour mener à leur terme ses théories : arriver à guérir par sa méthode des maladies purement somatiques (jambe cassée, grippe…). Freud et l'auteur de S.-F. ont, malgré tout, un point commun : par la parole, par les modifications apportées au psychisme de leur auditoire, ils créent, ou voudraient créer, un univers différent. Univers implanté dans la réalité, mais au forceps, et le livre s'en ressent.
Imago, la ville, est le fruit de cette création. Univers symbolique, incomplet, animé d'une vie trop visiblement artificielle, il n'a pas réussi à me séduire, tandis que les épisodes d'Imago, le livre n'arrivent pas dans mon esprit à transcender une suite de péripéties monstrueuses ou comiques. Je vous laisse donc prendre le risque pour vous-mêmes, tout en saluant de la part de J'ai Lu une décision éditoriale d'une hardiesse que ces dernières années de S.-F. en France nous avaient fait oublier…