Keep Watching the Skies! nº 11, avril 1995
Christophe Kauffman : Jalin Ka
roman de Fantasy ~ chroniqué par Jean-Louis Trudel
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Ce n'est qu'exceptionnellement que je peux dire que j'ai adoré un livre… et ce ne sera pas encore le cas aujourd'hui. Cependant, mon sens critique était peut-être parti en vacances, mais j'ai plutôt aimé ce roman de fantastique héroïque de Christophe Kauffman.
L'auteur présente un monde étrange, loin dans le passé ou l'avenir, où l'humanité s'est scindée en deux groupes ennemis : les Maîtres et les Garhtaalis, qui forment le Peuple Aveugle, voué au travail de la mine dont ils retirent l'Avegs qui permet aux Maîtres d'echapper à une mystérieuse maladie du sommeil.
De chaque côté, il y a transcendance. Le Peuple Aveugle donne naissance à Jalin Ka, l'enfant qui retrouve le savoir des ancêtres, qui a conquis un don de guérison et qui est peut-être l'Annoncé des vieilles légendes. Les Maîtres, par une transformation occulte, donnent naissance au Faiseur, qui est la quintessence des Maîtres, car il ne sait qu'exploiter les sujets qu'il domine mentalement pour étendre ses pouvoirs.
La fuite de Jalin Ka hors de sa ville natale altère les destinées des personnes qu'il croise, à commencer par Stepha la Guerrière, puis par Ichtaar le sage, l'homme-montagne, Peirtaz le prince déchu et torturé par le Faiseur, et Ad Saara, la femme que Jalin Ka a guérie en puisant à même la force vitale de félins.
Tout le roman est placé sous le signe de la dualité, car Stepha et le Faiseur mènent, chacun de son côté, des croisades, l'une prêchant la paix, l'autre répandant la mort et la folie, tandis que Jalin Ka a entrepris une quête personnelle de la sagesse.
Si j'ai aimé ce roman, c'est en partie parce que les clichés du genre ne s'y retrouvent pas. Pas d'épée magique, pas de grandes armées s'affrontant. Un peu comme un auteur inconnu en France, mais que j'estime beaucoup, Charles de Lint, Kauffman a trouvé sa voix propre et la dualité qu'il met en place est non seulement adverse mais aussi complémentaire. Les démons qui tourmentent l'humanité sont à la fois extérieurs et intérieurs. D'ailleurs, Jalin Ka est assez clairement une figure christique, mais les parallèles sont seulement évoqués et non lourdement imposés.
C'est donc un livre chargé de sens et, en ce temps de Noël, son message d'optimisme ne m'a pas déplu. L'écriture est compétente et, par moment, même un tantinet poétique.
Je vais me séparer à regret de ce livre, mais je me dis que Kauffman est un auteur à surveiller dorénavant. Si je suis porté à en douter le moindrement, c'est parce que le texte laisse deviner la sincérité de l'auteur et qu'un auteur qui mise sur la sincérité ne peut parfois qu'écrire un seul livre répété mille fois ou un seul livre achevé, qui restera unique. Mais nous verrons bien…