Keep Watching the Skies! nº 12, mai 1995
Gilles Thomas [Julia Verlanger] : les Hommes marqués
roman de Science-Fiction ~ chroniqué par Jean-Louis Trudel
→ Chercher ce livre sur amazon.fr
Julia Verlanger, alias Gilles Thomas, avait parfaitement maîtrisé le style approprié au space opera des années cinquante et elle avait publié quelques romans de ce genre au Fleuve Noir "Anticipation" il y a plusieurs années.
Or, écrire ou du moins publier des romans de cet acabit il y a quinze ou vingt ans permettait probablement de rejoindre un grand public composé a la fois des nostalgiques des années cinquante et de jeunes lecteurs aux goûts encore non-formés. Réimprimer ces romans maintenant permet probablement de rejoindre un public plus restreint constitué à la fois des nostalgiques du Fleuve Noir des années soixante-dix et de jeunes lecteurs aux goûts encore non-formés… De toute évidence, c'est un processus qui assure sa propre pérennité. Est-ce que cela veut dire que le Fleuve Noir publiera encore ce genre de romans en 2010 ?
Mais qu'est-ce qui rattache ces romans au space opera classique ? Avant le début de l'histoire proprement dite, la Terre s'est battue contre les autres mondes humains et elle a perdu. Vae victis ! Les combattants de la Terre qui se sont rendus sont transformes en androïdes de jure grâce à une implantation inutilement compliquée faisant appel à un nouveau type d'ondes (la surcomplication au niveau du gadget est souvent une marque du mauvais space opera, tout comme la réinvention de la roue).
Notre héros — qui est Français bien sûr — Garral Saltienne, et son comparse noir, Carmel Leriche, s'évadent sans trop de peine de la planète où ils sont maintenus en esclavage. Ils le font en volant un astronef puisque le cosmoport n'a aucun détecteur capable de faire la différence entre un androïde humain et un androïde entièrement constitué de circuits électroniques. (Hmmm, plutôt commode…) Puis, en se soumettant aux épreuves d'admission à un monde de réprouvés, Garral subit des mutations tout à fait inexpliquées (sauf par d'également mystérieux facteurs biochimiques) qui lui donnent des super-pouvoirs. Dès lors, la libération de la Terre conquise est en vue…
Le tout est fort distrayant. Le style télégraphique et enjoué de l'auteure permet au lecteur de passer par-dessus les écueils d'un roman qui a dû être ficelé assez rapidement. Sinon, comment croire à un monde qui a oublié l'origine du mot "métro", mais où on connaît bien des héros de bandes dessinées comme Superman ou Annie l'orpheline ? (A moins que ce soit de l'ironie…) Sans parler de la mystérieuse mutation qui accorde commodément à nos héros toute la panoplie de pouvoirs dont ils pourraient avoir besoin…
Il y a la dose requise d'embrassades et d'empoignades, et tout est bien qui finit bien. Certes, la formule n'est pas si facile et certains s'y sont cassés les dents, mais l'intérêt pour le lecteur aguerri d'aujourd'hui semble bien mince.