Robert Silverberg : Voyage au bout de l'esprit
romans et nouvelles de Science-Fiction, 1998
- par ailleurs :
Ce recueil réunit les romans le Temps des changements, le Livre des crânes, l'Oreille interne (dans une nouvelle traduction de Christophe Claro), l'Homme programmé, et huit nouvelles écrites entre 1971 et 1975. Je ne vous ferai pas l'injure de vous présenter ces textes de Silverberg ; ils font partie des classiques du genre et chacun se doit d'en avoir lu au moins un. Gageons que cela vous a donné envie d'en lire d'autres.
Je voudrais parler de la préface de Jacques Goimard (intitulée "les Hauteurs secrètes" ; certains y verront peut-être une référence aux Hauteurs béantes d'Alexandre Zinoviev). Elle a au moins trois mérites : elle est d'une modestie plaisante qui sait manier l'humour avec plaisir (le nôtre comme le sien sans doute) ; elle est d'une grande clarté : s'il vous plaît, ne faites pas comme beaucoup que glacent les propos universitaires, lisez-la ; au moins à cause de son dernier et grand mérite : elle donne envie de lire ce qui suit et offre une approche intéressante, inattendue peut-être pour certains, de Silverberg.
Silverberg n'est pas qu'un auteur de SF, c'est un individu cultivé qui porte sur son monde et son œuvre un regard critique. J'en veux pour preuve le texte un peu analysé par Jacques Goimard et qui figure dans ce recueil.
Il s'agit de "Quand nous sommes allés voir la fin du monde". Une brève nouvelle qui m'a donné l'impression de me replonger au milieu de… Woody et les robots (vous connaissez ce “génial” pamphlet de Woody Allen ?!). Nous sommes en 1972 (date de publication du texte). Des couples d'Américains se réunissent tous les mois chez celui d'entre eux qui semble avoir le mieux réussi (la description de la maison a tout d'un prospectus de promoteur immobilier), avec bien sûr pour tout le monde un vif désir de briller… Alors on raconte que l'agence de voyages vend des séjours de trois heures pour assister à la fin du monde (à l'extérieur, les infos en font foi, se produit la fin d'un monde). En fait, aucun couple n'a assisté à la même. Tout cela est présenté dans un style dépouillé, une suite d'accumulations, des séquences d'une efficacité rare (c'est un très bon texte pour apprendre certains mécanismes d'écriture), qui laisse une impression d'auto-dérision…
Lisez aussi le reste, vous verrez que les grands auteurs ne vieillissent pas ; et puisque Jacques Goimard signale que Silverberg lui doit beaucoup, lisez aussi Theodore Sturgeon (qui me paraît un peu oublié).
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