Keep Watching the Skies! nº 44, août 2002
Scott Westerfeld : l'I.A. et son double
(Evolution's darling)
roman de Science-Fiction ~ chroniqué par Noé Gaillard
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Je ne sais qui choisit et décide des couvertures pour la collection "Imagine", mais je gage que celle de l'I.A. et son double lui sera plus nuisible qu'autre chose, au moins parce que non contente d'être faussement attrayante elle ne rend absolument pas compte de la qualité de l'œuvre.
Si j'osai je dirais aussi que le titre est mal choisi… Parce que c'est plus de deux idées (l'Intelligence Artificielle et son double, son clone ?) que véhicule ce roman.
Vous aurez compris qu'il s'agit d'un roman exceptionnel. (Attention cela ne signifie absolument pas que l'on doive totalement et sans réserve le considérer comme un chef-d'œuvre.) Un début époustouflant qui imagine et présente une planète dont les habitants qui semblent de pierre bougent de manière quasi imperceptible… Un début poétique qui permet de mettre en évidence les rapports entre l'I.A. d'un vaisseau et la jeune fille du propriétaire du dit vaisseau. Rapports basés sur le fait que la jeune fille, Pasque, se raconte des histoires concernant les raisons et les buts des lents mouvements. Histoires que l'I. A., baptisée Chéri, prend pour vérités. Ces rapports vont faire évoluer l'I.A. jusqu'à l'autoriser à passer avec succès le test de Turing qui fait d'elle un humain. Et un humain d'une sensualité rare… — c'est un point important — bien que mécanique… — certains se souviendront peut-être de Barbarella. Hélas, pour échapper à la refonte, l'I.A. doit se saborder… Et nous nous retrouvons deux cents ans plus tard en présence d'un Artificiel (l'I.A.) devenu critique d'art et d'une jeune femme, Mira, devenue mercenaire de luxe au service de ce qu'elle croit être des dieux. Chéri et Mira-Pasque vont retrouver dans la sexualité une complicité. Mais Chéri se jouera de Mira pour la retrouver. Dans cette deuxième partie, un personnage supplémentaire apparaît : Le Fabricant. C'est lui qui est responsable de certaines copies d'individus, et même de certaines I.A. Le Fabricant veut comprendre comment on devient artiste…
Si j'ai bien présenté l'histoire sans trop la déflorer, vous avez pu en constater la richesse. Récapitulons : une réflexion sur le passage de l'I.A. à l'humain, une réflexion sur la sensualité-sexualité — passages exceptionnels où Mira use de ses pouvoirs pour se faire plaisir avec des humains —, une réflexion sur la soumission et le pouvoir, une réflexion sur la création et au second degré sur la divinité… une réflexion sur les civilisations et pour la fin un retour au début avec une réflexion sur l'affabulation… Riche, non ? Ajoutez à cela un ton que je classerai entre Ian Banks et Jack Vance, sans préférence pour l'un ou l'autre, mais en considérant tout de même que le mélange donne une voix assez originale que la traduction rend bien, même si on peut penser que le directeur de collection a choisi ce roman parce que ses préoccupations semblent proches de celles de Mike Resnick…