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Vous êtes ici : Quarante-Deux KWS Sommaire du nº 45 Je me souviens de Grenoble

Keep Watching the Skies! nº 45, octobre 2002

Jean-Pierre Andrevon : Je me souviens de Grenoble

essai ~ chroniqué par Éric Vial

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En 1993, Jean-Pierre Andrevon, écrivain grenoblois, particulièrement reconnu en Science-Fiction, mais aussi ailleurs, donnait aux éditions Curandera un petit ouvrage composé, sur un principe emprunté à Georges Perec, de cent vingt et un fragments, allant de deux lignes à trois pages et demie, le plus souvent une demie-page, commençant par « Je me souviens ». Ce voyage dans la mémoire, des années 1940 au début des années 1970, chroniqué en son temps dans KWS par votre serviteur, a été repris, réécrit, illustré de trois dessins et de plus de photographies. Il arrive que des modifications ne soient que formelles, et, peut-être par insensibilité, on se demandera s'il y a amélioration entre « je n'ai pas souvenir de bruit du verre brisé sur les trottoirs » et « …des bruits du verre brisé sur le macadam ». Ou l'intérêt d'avoir banni presque tous les « Je me souviens ». Ou ajouté un « sans solution de continuité » à contresens. Ou enlevé le nom de l'estimable universitaire qui parla un jour des « montagnes magnifiques que le Créateur a disposées autour de Grenoble… ». Mais le plus souvent, les ajouts sont de taille, et pour le moins utiles.

Et on suit, dans un ordre à peu près chronologique, un Grenoblois entre enfance et jeunesse. Avec en particulier des souvenirs de service militaire en Algérie, avant et après les accords d'Évian, donc l'indépendance et jusqu'en mai 1963, entre morts et farces, et aussi entre administration ou sous-officiers peu amènes d'un côté, et, de l'autre, tel capitaine réputé d'extrême-droite mais préférant un intellectuel fiché comme contestataire à des adeptes de concours de pets ; ou les autochtones, préférant de loin les chasseurs alpins aux spahis souvent du cru. Côté S.-F., on trouvera des souvenirs du mois — et plus — de la S.-F., organisé au tout début des années 1970 à la Maison de la Culture de Grenoble.

À travers ce panorama, on a la voix d'un écrivain, qui a sa valeur propre. On a aussi une tentative d'exhumer des fragments du passé, celui d'une ville, celui d'un individu, entre histoire et politique (Occupation, Libération, Algérie ou Mai 68) ce qui est normal pour qui se souvient des tempêtes que provoquait Andrevon, dans ces années 1970 déjà évoquées, dans le et celle des mentalités, des représentations, de la vie quotidienne, de l'enfance et de l'adolescence aussi. Et entre les deux, le portrait d'un écologiste, nourri parfois de nostalgie, réglant parfois des comptes, et aujourd'hui plus véhément qu'en 1993, affectant par exemple de confondre Dubedout et Carignon, mais aussi prenant de fortes distances face à l'antiaméricanisme bovin, défendant Mai 68 tout en pointant les slogans pour le moins rapides (CRS=SS : « Allez dire ça à un authentique Résistant ») ou, pour en revenir à la Maison de la Culture, les lubies violentes de maoïstes mouloudjophobes. Et s'interrogeant avec une remarquable honnêteté sur ce que né plus tôt il aurait fait durant la seconde guerre mondiale, ou en Algérie dans une unité où on aurait pratiqué torture et “corvées de bois”. Ce qui l'amène à refuser les boucs émissaires, au nom aussi, sans doute de la responsabilité individuelle. Ce qui ramène à la politique. Sans quitter pourtant la mosaïque de cette enfance et de cette jeunesse grenobloises.

Autant dire que chacun trouvera là des choses qu'il peut chercher. En plus, bien entendu, du bonheur de la lecture.

Notes

››› Voir autre chronique du même livre dans KWS 5.