Keep Watching the Skies! nº 49, juillet 2004
Roland C. Wagner : Par la noirceur des étoiles brisées ~ les Psychopompes de Klash
(››› Aventuriers des étoiles)
romans de Science-Fiction ~ chroniqué par Pascal J. Thomas
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Ce fort volume rassemble la réédition des Psychopompes de Klash, roman publié à l'origine sous le pseudonyme de Ref Deff, et de la suite, Par la noirceur des étoiles brisées, qui en avait été publiée en feuilleton (incomplet) par Bifrost.
Roland Wagner pratique ici ce que la quatrième de couverture appelle un space opera “goguenard”, un concentré des recettes du roman d'aventure qui ne se prend pas au sérieux, comme en témoignent ses choix onomastiques (dans le premier roman, il pioche allégrement dans les noms de groupes de rock garage américains des années soixante sortis de l'obscurité par la série Pebbles de compilations ; dans le deuxième, entre autres, dans les titres de Jack Vance).
Les Psychopompes de Klash commence avec une mission confiée à Crystal Chandlier, cambrioleur de génie reconverti contre son gré dans les services secrets : trois races se disputent la domination de la Galaxie, Humains, Folms et Djunguzz, et la planète Klash est un terrain neutre où tous ont des établissements. Mais la découverte de traces du passage des Grands Anciens — dont la technologie pourrait, si elle se révélait exploitable, donner à l'un ou à l'autre un avantage militaire — a rendu les choses beaucoup plus critiques.
Accompagné d'une équipe invraisemblable (un gamin autiste, une jeune femme pratiquement kidnappée par les services secrets, un capitaine de vaisseau spatial au grand cœur qui reste avec eux par hasard), Chandlier suit les péripéties obligées du roman d'espionnage. Assez vite, Wagner les parodie et les retourne, et retourne aussi le mythe des Grands Anciens : nous supposons toujours que ceux qui nous ont précédés ont fait preuve de plus de sagesse que nous. Eh bien…
Par la noirceur des étoiles brisées est un roman sans intrigue, ou presque : les Psychopompes de Klash s'achevait par ce cliché du roman d'aventure, la nécessité pour tous les protagonistes, unis par le hasard et les dangers encourus en commun, de rester ensemble comme une bande de copains. Dans Par la noirceur…, le Capitaine Lit de Roses demeure seul de la ribambelle précédente ; pas tout à fait : il est accompagné par un animal familier à l'intelligence plus grande que ce qu'il n'y paraît — et dernier représentant de son espèce par surcroît —, le djugnalâmm [1] . Qui est très gentil, mais a la manie de bouffer tout le métal qui lui passe sous le nez. Les vaisseaux spatiaux en souffrent. Bref, le djugnalâmm est une nouvelle variation wagnérienne sur l'inépuisable thème du chat domestique. Et ce pauvre Lit de Roses, déjà bien occupé qu'il est à empêcher le pauvre djugnalâmm de lui boulotter tout son vaisseau, recueille dans le cadre d'une quête à la finalité discutable plusieurs damoiselles en détresse : Sheïff, la sfalle qu'aucun zwark ne peut toucher — ce qui handicape beaucoup sa vie sociale, comme vous pouvez l'imaginer —, Yoni-Yo, robot vivant, rescapée de la planète Capek — attaquée par les ignobles créatures biologiques —, et F'firzi, représentante d'une civilisation féline — encore des chats, mais il y a une justification : l'homme de métal et le lion timide du Magicien d'Oz…
Bref, vous vous doutez que, à la fin des zen, le but est dans le chemin. Je trouve que ça ne fait pas avancer le schmilblick, mais le roman est toujours agréable à lire, comme bien des livres d'Edgar Rice Burroughs : plus pour la diversité des peuples inventés que pour les événements qui se déroulent. Ce serait bien si Roland Wagner nous construisait tout un roman mettant en jeu la civilisation S'shayn (celle de F'firzi), par exemple. Et si vous n'avez pas déjà un vieil exemplaire des Psychopompes…, vous serez bien obligé d'acheter cette édition !
Notes
[1] Faites-le écrire par Bernard Pivot, celui-là…