Keep Watching the Skies! nº 54, juillet 2006
Dominique Lavigne-Kurihara : Histoires fantastiques du temps jadis
anthologie de Fantastique japonais
→ chercher ce livre sur amazon.fr
Simple phénomène de mode ou découverte sincère d'une autre culture, le Japon est à l'honneur dans les rayonnages des librairies et des magasins de vidéo. Certes, il s'agit pour l'essentiel de manga ou d'anime, mais cela ne doit pas faire oublier le travail de débroussaillage culturel entrepris depuis de longues années par le "Domaine étranger" de 10|18 ou encore par les éditions Philippe Picquier. La littérature nippone prend ainsi ses aises chez ce dernier et dévoile régulièrement son modernisme à travers les récits de Ryû Murakami et de nombreux autres auteurs contemporains, mais aussi son classicisme dans diverses histoires du temps jadis.
Dominique Lavigne-Kurihara propose ainsi de découvrir une sélection d'une quarantaine de légendes fantastiques extraites des Histoires qui sont maintenant du passé, un ouvrage qui, précise la quatrième de couverture, a été achevé en l'an 1120 et réunit pas moins de mille cinquante-neuf contes dont certains font intervenir des créatures fantastiques typiquement japonaises. On peut d'ailleurs s'amuser à constater que ces êtres magiques, merveilleux ou terrifiants n'ont pas disparu en même temps que les samouraïs, ils restent très présents dans les jeux vidéo, les séries d'animation et les mangas dont se délectent les jeunes générations. Les récits réunis dans ces Histoires fantastiques du temps jadis permettent de les découvrir sous leur forme initiale et d'apprendre comment éviter de tomber sous leur charme vénéneux ou leurs crocs acérés.
Divisé en six parties bien distinctes, le recueil proposé par Dominique Lavigne-Kurihara présente donc successivement six grandes familles de créatures fabuleuses : démons ; fantômes et spectres ; tengus ; renardes, renards et sangliers ; serpentes et serpents ; ainsi que dieux et esprits qui hantent les temps passés. Pour le simple mortel, distinguer chacun de ces êtres fantastiques peut se révéler délicat, voire impossible, car ils sont tous capables de prendre visage humain pour tromper leur monde. Les serpentes apparaissent ainsi comme les vivantes incarnations de la jalousie féminine, alors que les renardes semblent bien plus aimables et plus joueuses avec les hommes.
À la lecture de ces Histoires fantastiques du temps jadis, on apprend également qu'affronter des démons est, le plus souvent, fatal, surtout pour ceux qui ont commis de mauvaises actions dans leur vie. Ils peuvent finir décapités ou bien dévorés par ces créatures fantastiques. Même s'ils parviennent à échapper à la mort, ils risquent fort de se transformer à leur tour en sanglier ou en serpent. Par contre, ceux qui conservent le cœur pur ont de fortes chances d'éviter un sort aussi funeste. Et s'ils ne peuvent ni affronter le démon, ni le fuir, il leur faut prier. À en croire plusieurs histoires de ce recueil, il est d'ailleurs fortement conseillé d'adresser ses prières au bodhisattva Kannon. Ce dernier est toujours à l'écoute des innocents et ne manque jamais de secourir celui qui l'invoque avec ferveur.
Les Histoires fantastiques du temps jadis constituent un fort intéressant témoignage sur des temps lointains, à une époque révolue où elles constituaient un véritable guide pratique pour identifier les démons et apprendre les bonnes actions pour leur échapper. Sous couvert d'anecdotes terrifiantes ou de contes à faire « enfler les cheveux sur la tête », ces Histoires fantastiques du temps jadis donnent ainsi, à ceux qui les écoutent ou qui les lisent, des conseils de bon sens. Il ne faut surtout pas pénétrer des lieux inconnus. Il faut éviter d'être envieux ou avaricieux. Dichotomie éternelle entre le Bien et le Mal que l'on retrouve dans les contes et légendes de nos campagnes où le Diable et ses séides venaient harceler paysans et petits bourgeois. Des récits qui, tout comme ceux d'Histoires fantastiques du temps jadis, mettent en avant des valeurs positives telles que le respect de l'autre, la loyauté ou le courage que nos sociétés modernes ont tendance à oublier.