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Vous êtes ici : Quarante-Deux KWS Sommaire du nº 58 Maître des rêves

Keep Watching the Skies! nº 58, novembre 2007

Roger Zelazny : Maître des rêves

(the Dream master)

roman de Science-Fiction

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chronique par Éric Vial

Apparemment, Zelazny se vend bien. Cela vaut au lecteur des ouvrages mineurs, mais point négligeables. Se lisant agréablement, et permettant quelques réflexions.

D'abord, parce qu'elle remonte à 1966, l'histoire de ce psychiatre intervenant directement dans les rêves et les représentations de ses patients se trouve à la racine — ou pas très loin — de tout un courant de la S.-F., florissant une dizaine d'années plus tard et explorant des univers intérieurs. Avec un minimum de mauvaise foi, on pourrait même le considérer comme un ancêtre direct du cyberpunk. Et la formule permet d'une part de jouer sur l'alternance puis la confusion entre le réel et l'imaginaire, jusqu'à engluement dans le second, et d'autre part de mettre en avant quelques images fortes, oniriques ou pas, comme aux premières pages du livre de Jules César éploré parce que c'est Marc-Antoine et non lui que l'on assassine sur le forum : ce pourrait presque être de l'uchronie, même si cela tourne évidemment court.

Ensuite, toujours parce qu'elle remonte à 1966, cette vision d'un futur proche devenu pour nous un passé a quelque chose de saugrenu qui en renforce l'intérêt. On est explicitement à la fin du xxe siècle. Des chiens mutants artificiels, dotés de la parole, peuvent par exemple aider les aveugles. Du moins ceux qui sont assez fortunés, car ils coûtent une petite fortune — du moins pour l'époque car, entre-temps, l'inflation est passée par là, ce qui fait que si la somme est rondelette, elle ne permettrait plus au lecteur d'aujourd'hui de s'offrir qu'une automobile assez moyenne. Et à propos d'automobile, elles fonctionnent désormais en pilotage automatique, sur un réseau en passe de couvrir le monde entier (en dehors de l'Australie, des calottes polaires et des îles) grâce à un pont sur le détroit de Behring, et cela simplifie l'existence de tout le monde, y compris des chiens mutants. Et on explore le système solaire. Y compris une planète quelque peu imaginaire. Ce qui renvoie d'ailleurs à la confusion entre la réalité et la fiction, mise à l'œuvre par exemple à propos de musique classique. Au point que l'on accepte même une curieuse répartition parafreudienne entre le “je”, le “moi” et le “surmoi”, où le “ça” ne trouve guère son compte. Tant pis pour ceux qui se demanderont si c'est une astuce de l'auteur ou l'effet d'une écriture un peu rapide, et si le traducteur — qui n'était pas n'importe qui — et le correcteur du traducteur — même remarque — n'ont pas eux-mêmes travaillé un peu vite — ce que confirmeraient quelques tournures un peu cafouilleuses…

Bon. Ça a vieilli. Les fausses pistes ou plutôt les digressions lassent parfois, mais permettent aussi de donner de l'étoffe au récit. Et ont dû être bien agréables pour l'auteur. Elles ne sont pas franchement désagréables pour le lecteur, qui peut se faire promener au hasard en attendant que le piège se referme. Et même oublier qu'il y a un piège. Passer un bon moment. Prendre du plaisir à une pièce de musée que la collision même avec la réalité rend appréciable. Constater aussi qu'au-delà des catastrophes personnelles, l'avenir était plus beau hier. Méditer sur les promesses non tenues des années 1960. Toutes choses qui ne sont pas un si mauvais programme. Les textes mineurs ont parfois bien du charme.