Keep Watching the Skies! nº 58, novembre 2007
Sylvie Denis : la Saison des Singes
roman de Science-Fiction
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Aleshka Rork vit dans un monde qui a tout oublié, ou presque de ses origines. Au bord de la rivière Karsh, dans la petite ville de Birhat, elle étudie pour devenir enseignante et occupe son temps libre en aidant son oncle Sven à décrypter les trop rares archives municipales.
Ailleurs, enquêtant sur un important détournement de fonds, le détective privé Gabriel Burke, de la planète Nertonne, embarque à bord de l'une de ces rares et impressionnantes nefs stellaires. Il suit la piste d'une mystérieuse Stella Sirkis qui semble impliquée dans cette malversation, mais que ni ses furets, ni aucune intelligence artificielle, n'ont pu identifier.
Pendant ce temps, les entités de classe Généreux échangent des informations que nul, à part elles, ne doit connaître.
« Après Haute-École, roman de Fantasy, Sylvie Denis revient à la Science-Fiction » indique la quatrième de couverture, précisant également que « la Saison des singes est le premier tome d'un diptyque ». Aussi précieuses que soient ces informations, elles se heurtent à la dure réalité. En effet, Sylvie Denis n'a jamais écrit de Fantasy car Haute-École, sous les atours d'une Fantasy flamboyante, était un pur récit de Science-Fiction. La sorcellerie qui baignait le monde de Haute-École aurait ainsi pu être aisément remplacée par des interventions biotechnologiques ou des manipulations génétiques, sans que la trame narrative n'en souffre. Pour sa part, la Saison des singes est un roman de Science-Fiction qui revendique haut et fort son appartenance au genre, à une époque où la S.-F. tend à se dissimuler sous divers masques. Quant à la notion de diptyque, elle doit être pondérée par le fait que la Saison des singes s'intègre totalement au cœur de l'œuvre de la nouvelliste et néo-romancière qu'est Sylvie Denis.
La Saison des singes trouve ainsi son origine dans la nouvelle "Avant Champollion" publiée, il y a bientôt dix ans, dans les pages de l'anthologie Escales sur l'horizon. On y découvrait les personnages de Pierre Malavel, Aleshka Rork, oncle Sven et Dohran Bant et on les retrouve enfin pour suivre la suite de leurs aventures sur ce monde qui ne connaît rien de ses origines. Des aventures certes, mais qui ne font pas pour autant d'Aleshka ou de Dohran des aventuriers sans peur et sans reproche au sein d'un space opera fabuleux. Comme tous les héros de Sylvie Denis, ce sont des êtres humains qui choisissent d'agir, car leur conscience les pousse à ne pas rester inactifs comme ici face à une catastrophe qui se profile et lorsque les autorités semblent faire le choix de l'immobilisme.
On retrouve également, dans la Saison des singes, la plupart des thèmes chers à Sylvie Denis et déjà abordés de diverses manières dans ses nouvelles : le clonage, les intelligences artificielles, la génétique, la nanotechnologie, Les Grands Modifiés de la Saison des singes sont ainsi déjà en germe dans des textes comme "l'Anniversaire de Caroline", "In memoriam : Discoveryland" ou "Dedans, dehors", mais ils atteignent leur pleine maturité dans ce roman. Parmi les autres références explicites à d'autres textes de Sylvie Denis, il y a cet emploi du terme mémo-clone créé, sauf erreur, dans la nouvelle "De Dimbour à Lapètre", tandis que la déclaration des hommes libres et singuliers renvoie directement à "Dedans, dehors".
Force est de constater que le passage de la forme courte au roman produit d'étranges effets. Ainsi, alors que les personnages des nouvelles de Sylvie Denis sont toujours très fouillés et très humains, l'interminable distribution de la Saison des singes empêche paradoxalement de s'attacher à l'un ou l'autre de ces multiples et parfois éphémères intervenants1. Cette absence de véritable point de repère humain, au milieu d'un récit dont la construction n'a rien de linéaire, est d'ailleurs l'un des rares reproches que l'on peut faire à cette Saison des singes. Au milieu de cette foultitude, on peut fort heureusement se raccrocher à quelques-uns des traits de caractère du personnage denisien archétypique à travers les jeunes femmes volontaires, mais en proie au doute, que sont Aleshka Rork ou l'agent de l'Office Anna Rank.
Intelligente et incitant à la réflexion, la Saison des singes est une authentique œuvre de Science-Fiction qu'il serait dommage de laisser de côté sous prétexte que la S.-F. n'est plus à la mode. D'autant que Sylvie Denis laisse subsister suffisamment d'ombre et d'interrogation pour donner envie de lire la suite de ce premier opus. Et, c'est avec une certaine impatience, si ce n'est une impatience certaine, qu'il faudra attendre le second volume pour découvrir tous les mystères de cette planète à l'orbite elliptique, même si l'on sent d'ores et déjà que les mystérieux Ninhsis vont, à l'évidence, être au cœur de ce second volet. Car nul ne sait, à l'exception de Sylvie Denis, quel est leur secret ?
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Notes
- Il est d'ailleurs fortement déconseillé de trop s'attacher à Pit et Kat, deux clones amoureux au destin particulièrement tragique.↑